4.1.1. « Prés carrés » et coopérations ponctuelles : la gestion des déplacements urbains avant la démarche PDU (situation 1995)

Au moment où M. Thiollière accède au poste de Maire et où le SIOTAS réfléchit à une démarche volontaire de Plan de Déplacements Urbains, le contexte national apparaît assez peu porteur. Sur le plan législatif, seule la LOTI211 encadre les démarches de planification des réseaux de déplacements, au travers de PDU facultatifs et non prescriptifs212. C’est également en 1995 qu’est promulguée la LOADT213, qui relance un discours national sur l’aménagement du territoire cher à la DATAR, sur la base d’un « rééquilibrage » du développement de la France en faveur de ses zones rurales.

C’est pourtant à cette période que l’Etat lance ses services déconcentrés dans les DTA214, censées contenir « la » parole de l’Etat sur les grandes agglomérations françaises, leurs enjeux et leur devenir. Par rapport aux projets d’infrastructures de transport, l’Etat reste assez présent dans les dispositifs d’étude et de financement, via l’entretien et le développement des routes nationales et du réseau ferré français, mais également par l’intermédiaire des Contrats de plan Etat – Région (CPER), exercice de contractualisation définissant des clés de financement des projets entre les Ministères et les Conseils régionaux, et d’autres collectivités (Département, communes et leurs regroupements, etc.)

En 1995, la Région est un acteur local très peu investi dans le champ de l’urbanisme (son rôle se limite à évoquer les questions urbaines dans l’étude d’un SRADT215). Côté transports, le Conseil régional participe au financement des projets routiers et ferroviaires, par l’intermédiaire des CPER, et se lance, très progressivement, dans « l’aventure » de la gestion des Transports Express Régionaux (TER), à la suite d’expériences pilotes menées dans d’autres Régions (Alsace, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d’Azur…)

Tout au bout de l’arborescence des collectivités locales intéressées par l’urbanisme et les déplacements, on retrouve les communes, au rôle très important dans les deux thématiques. Elles maitrisent les dynamiques d’urbanisation, avec notamment les POS216 et la délivrance des permis de construire depuis les lois de décentralisation du début des années 1980. Les communes sont également compétentes sur la police et les réglementations du stationnement, des livraisons, des taxis, et des aménagements cyclables, sans oublier la gestion des voiries communales. Face à ces pouvoirs municipaux, le rôle de Saint-Etienne Métropole, créé sous la forme d’une Communauté de communes en 1995, demeure encore anecdotique, même si dès sa création, la compétence « aménagement du territoire » lui a été attribuée.

Illustration 51 : Schéma de synthèse des compétences théoriques des acteurs dans les champs de l’urbanisme et des déplacements ; situation 1995.
Illustration 51 : Schéma de synthèse des compétences théoriques des acteurs dans les champs de l’urbanisme et des déplacements ; situation 1995.

Dans ce panorama du milieu des années 1990, deux acteurs locaux apparaissent donc, en théorie, au centre du dispositif stéphanois de gestion et de développement des réseaux de transport : le SIOTAS et le Conseil général de la Loire.

Le premier est naturellement en charge des transports collectifs urbains à Saint-Etienne, dans la vallée de l’Ondaine et dans les communes de la Couronne. Le second gère les transports interurbains217 et scolaires, entretient et développe son réseau de routes départementales. On peut par ailleurs noter que le rôle du Département aurait pu être encore plus important, s’il avait adhéré au SIOTAS218, ce qui se pratique dans d’autres agglomérations françaises219. Mais l’absence du Conseil général dans le SIOTAS n’empêche pas la gestion concertée de leurs réseaux, comme nous le verrons plus loin.

La prédominance du Département et du Syndicat dans le schéma institutionnel de 1995 est pourtant trompeuse : à partir du lancement de la démarche PDU dans l’agglomération stéphanoise, cette répartition des rôles vole rapidement en éclat, notamment à la suite des réformes nationales qui mettent en avant la question des déplacements urbains, et qui redistribuent les cartes au profit des Régions et des intercommunalités. Ce nouveau contexte législatif coïncide ainsi, au niveau local, avec la fin d’une logique de juxtaposition de « prés carrés », où les coopérations se limitent au champ opérationnel lors de quelques « grands travaux » (cas des prolongements nord et sud de la ligne de tramway par exemple) et où chaque acteur développe son propre horizon stratégique.

Notes
211.

Loi d’Orientation des Transports Intérieurs (1981)

212.

les décrets d’application instituant les PDU dans toutes les grandes agglomérations françaises n’ayant jamais paru au Journal Officiel, faute de volonté politique nationale.

213.

Loi d’Orientation sur l’Aménagement Durable du Territoire, dite « loi Pasqua »

214.

Directives Territoriales d’Aménagement

215.

Schéma Régional d’Aménagement Durable du Territoire

216.

Plans d’Occupation des Sols

217.

réseau important à l’époque, puisqu’il intégrait toutes les lignes en direction de la vallée du Gier et de Lyon, et les dessertes entre Saint-Etienne et la plaine du Forez.

218.

ce qu’il n’a pas fait à la constitution de la nouvelle AOTU en 1980, alors qu’il était membre de son prédécesseur, le SRTC, créé en 1955

219.

cas notamment de Lyon et de Grenoble, dans la Région.