4.2.2. Les partenaires « ressources » (Epures, STAS) : les racines technicistes locales au service d’un nouveau projet politique

En l’absence prolongée d’intercommunalités jusqu’au milieu des années 1990, l’Agence d’urbanisme de la région stéphanoise est devenue le lieu de réflexion privilégié de projets de territoires, Epures n’ayant eu de cesse d’appeler à la relance de schémas directeurs, au renforcement du dialogue interinstitutionnel, au dépassement de la « spirale de crise » qui a longtemps structuré l’appréhension politique de ce territoire.

Dans la lignée de ces engagements, l’Agence d’urbanisme s’est trouvée être en pleine adéquation avec les objectifs poursuivis, au milieu des années 1990, par le SIOTAS qui cherchait, nous l’avons vu, à se réformer tout en créant un projet de développement largement ouvert aux partenaires institutionnels. Témoins de cet engagement, on retrouve, tout au long de la décennie, la forte implication de l’Agence, au travers de la présence en continu de sa Direction et du pôle Mobilité – Déplacements – Transports, c’est-à-dire de François Duval et Estelle Filippini, puis de Brigitte Bariol et Catherine Araud-Ruyant.

La très forte implication de la STAS dans la démarche PDU est à la fois notable et relative. Patrick Moreau, ancien chercheur en Economie des transports (LET, à Lyon), a pris un poste de Directeur des études à la STAS, en charge de la « prospective du réseau ». Ce profil atypique parmi les techniciens locaux, ainsi qu’une prédilection pour l’étude des relations entre urbanisme et réseaux de mobilité quotidienne, en ont fait un acteur majeur de toute la démarche, en termes méthodologiques notamment.

Au fil de la décennie d’étude du PDU stéphanois, ce rôle « charnière » a été encore renforcé par le renouvellement progressif des individus ayant travaillé pour le PDU. Dans la sphère technique, P. Moreau est en effet le seul à avoir suivi l’ensemble de la démarche, de 1995 à 2005. On peut d’ailleurs constater que chez les élus, seul Jacques Frécenon possède également tout l’historique du PDU, si l’on considère que Michel Thiollière est resté, concrètement, en seconde ligne sur le suivi du dossier.

Mais peut-on considérer que Patrick Moreau est représentatif de l’engagement de l’entreprise STAS, exploitant le réseau de transport collectif urbain ? La question mérite d’être posée, car rien n’est moins sûr. Le SIOTAS et la STAS ont toujours eu, historiquement, des relations privilégiées, dépassant les relations contractuelles : une part non négligeable de l’expertise technique sur la structuration et l’économie du réseau se trouvait, de fait, chez l’exploitant plutôt qu’au Syndicat243.

Pour autant, le reste de l’entreprise, bien évidemment très mobilisée sur l’exploitation au quotidien du réseau, n’a sans doute pris part à toute la dynamique PDU qu’à la marge. Cela est d’autant plus vrai à partir de la prise de compétence par la Communauté d’agglomération : la liquidation du SIOTAS, la création du service des transports urbains, cantonné à l’exploitation, et la montée en puissance du service aménagement du territoire, chargé de tous les exercices de planification à l’échelle de 43 communes, ont marginalisé les relations anciennes qui préexistaient, et amoindri considérablement le rôle d’expertise de l’exploitant244.

Patrick Moreau a confirmé, en entretien, ces observations :

‘On était tous dans le même bateau, et on ne pouvait pas distinguer ceux qui étaient STAS ou SIOTAS. (…) On ne peut pas faire abstraction du fait que les choses étaient atypiques par rapport à d’autres agglos, parce que, de fait, on ne peut pas dire qu’à l’époque, la STAS existait vraiment dans la démarche en tant qu’entreprise. Ce n’est pas la STAS qui savait qu’elle rentrait dans un PDU. C’était plutôt certaines personnes. (…) L’entreprise était très intéressée, à un moment, à mon avis, comme un beau joujou supplémentaire, avoir un tramway supplémentaire, c’est toujours une motivation pour entraîner une entreprise, pour faire évoluer les gens, et puis parce que c’est un outil qui aussi, commercialement, pouvait répondre un peu à cette difficulté d’attirer les gens vers le transport collectif. [entretien avec P. Moreau (STAS)]’
Notes
243.

cf. Rahon, 1993

244.

depuis le renouvellement du contrat avec la STAS en 2005, sous forme de délégation de service public, l’exploitant n’a plus de mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage auprès de l’AOTU.