5.2.2. La coordination : les procédures au gré des jeux d’acteurs

L’électrification et la modernisation de la voie ferrée Saint-Etienne – Firminy est un cas exemplaire de démarche consensuelle (tous les acteurs étaient d’accord par rapport aux références stratégiques lointaines du projet), mais où la mise en œuvre a souffert de l’absence de maîtrise d’ouvrage unique et/ou forte, et d’un écartèlement entre plusieurs sous-projets, plusieurs échéances, et plusieurs sources de financement. Ce projet témoigne de la difficulté à coordonner des procédures imbriquées, dépendantes les unes des autres, sans leader pour les fédérer et les organiser.

Ce projet a en effet bénéficié d’une inscription au contrat de plan Etat – Région 2000 – 2006, ainsi qu’au Plan de Déplacements Urbains du SIOTAS. Il a été conçu comme la première phase du projet « étoile ferroviaire stéphanoise », dont l’objectif le plus ambitieux était de mettre en service des trams-trains sur l’ensemble de ses branches, interconnectées avec les voies du tramway stéphanois pour desservir directement le cœur de l’agglomération. A Firminy a été prévu l’aménagement d’un pôle d’échanges tous modes, jouant à la fois un rôle de proximité (desserte du centre-ville) et de rabattement « régional » (rabattement du nord Haute-Loire, notamment par l’intermédiaire de la RN 88 à 2x2 voies longeant la gare).

Dès 1997, la Région Rhône-Alpes a créé un comité de pilotage du projet, associant la DRE et la DDE, le Département, l’autorité organisatrice (SIOTAS puis Saint-Etienne Métropole), la ville de Firminy, la SNCF, RFF et la STAS.

Rapidement, les membres du groupe ont émis l’idée de décaler une bretelle de sortie de la RN 88, qui débouche devant la gare, compliquant l’aménagement d’un pôle d’échanges cohérent et lisible. S’en est suivie la création d’un « volet routier » du projet, lançant de nouvelles études. La complexité des objectifs, les délais d’étude et de réalisation et les surcoûts ont fini par retarder la livraison de ce sous-projet d’un an après la mise en service de la nouvelle desserte TER.

Dans ce projet, chaque acteur a souhaité conserver la maîtrise d’ouvrage sur son périmètre, ce qui a abouti à un fractionnement extrême des études et des réalisations : RFF a traité les voies ferrées, les quais et les traversées de voies ; la SNCF était en charge de l’amélioration du confort des voyageurs (y compris sur les quais RFF !) ; Saint-Etienne Métropole avait compétence sur l’aménagement des espaces publics et parc relais, et sur les acquisitions foncières ; l’Etat, enfin, a traité le réaménagement de l’échangeur de la RN 88. Mais Saint-Etienne Métropole a délégué la réalisation du parvis du pôle à la Ville de Firminy, et a confié les démarches foncières à EPORA251.

Illustration 66 : Le pôle d’échanges multimodal de Firminy en cours d’aménagement.
Illustration 66 : Le pôle d’échanges multimodal de Firminy en cours d’aménagement.

« Volet ferroviaire » achevé, « volet urbain » en cours de finition, « volet routier » en plein travaux. Une difficile coordination des démarches…

L’émiettement des maîtrises d’ouvrages a conduit à une multiplication des comités de pilotage. On a ainsi dénombré un comité « pôle d’échanges », animé par Saint-Etienne Métropole (et par la ville de Firminy par délégation), et un volet routier, piloté par la DDE de la Loire. Ces deux volets étaient dépendants du comité « gares », animé par la Communauté d’agglomération. Le comité de pilotage général initial, toujours présidé par la Région, englobait quant à lui ce groupe « gares », ainsi qu’un volet « électrification ». On comprend dès lors les difficultés de coordination des différentes procédures, même sur un aussi petit périmètre, et ce malgré une bonne attitude de coopération des différents acteurs investis dans ce projet fédérateur.

C’est donc dans les divers comités de pilotage qu’ont du être abordés et réglés, au cas par cas plus que selon une ligne de conduite générale, les tensions et incohérences nées de la diversité des fonctions du pôle d’échanges, mais également de l’insuffisante mise en commun d’objectifs partagés. Ainsi, quelques semaines avant la mise en service du pôle, intervenue en décembre 2005 (à l’exception du « volet routier »), des points aussi variés et importants que la charte graphique d’information de la clientèle, les modalités d’accès et de tarification des parcs relais, la cohérence des revêtements de sol, ou bien encore le fonctionnement et la surveillance globale du site n’avaient pas encore été harmonisés et décidés.

De l’avis même des protagonistes, la signature d’un protocole d’accord global, ou l’unification des périmètres d’intervention auraient évité la fragmentation des procédures et du projet, et la signature d’accords bi- ou trilatéraux, au coup par coup.

La coordination s’est ainsi faite sur une succession de « non-choix » : ce sont les contraintes techniques et l’addition des propositions de chaque maîtrise d’ouvrage qui ont structuré le projet, et non des objectifs initiaux de cohérence des différents volets d’un projet pourtant fortement porté et légitimé par les acteurs et les démarches de planification et de projet urbain.

Notes
251.

Etablissement Public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes