6.1.3. PLH / PDU : un cas de juxtaposition de démarches sectorielles ?

L’objet de cette thèse n’est pas d’analyser en détail les conditions d’étude et de mise en œuvre du Programme Local de l’Habitat élaboré par Saint-Etienne Métropole. Il est pourtant intéressant de constater, à l’appui du constat opéré dans la sous-partie précédente sur l’échelle communale, que deux documents de planification programmatique, à visée stratégique, placées sous la compétence d’un même acteur (la Communauté d’agglomération en l’occurrence), sont restés dans une logique essentiellement sectorielle, cherchant à traiter, in fine, le même « problème à résoudre » qu’est la relance des tissus urbains traditionnels dans l’agglomération stéphanoise, mais sous deux angles bien distincts : les déplacements urbains d’une part, l’habitat et l’attractivité résidentielle d’autre part.

Si cette thèse n’a pas étudié en détail le PLH de Saint-Etienne Métropole, il est en revanche possible d’analyser les liens entre ces deux démarches à partir de la méthode d’étude retenue pour le PDU, et, par extension, pour les Plans de Déplacements de Secteurs. Il ressort qu’aucune réunion n’a été organisée, depuis 1995, par l’équipe pilotant la démarche PDU, pour informer, débattre ou mettre en cohérence les diagnostics et propositions élaborées dans chacun des exercices de planification sectoriels. Côté PLH, il n’y a pas eu de chiffrage de la génération de déplacements qui pourrait avoir lieu dans le cadre de la mise en œuvre du plan, ni d’évaluation qualitative de la mobilité provoquée par les différentes formes d’habitat (renouvellement urbain, ouverture à l’urbanisation, densité forte ou faible, distances et éloignements des services et commerces, etc.)

Dans ces conditions, la coordination entre procédures, pour reprendre le terme de Vincent Kaufmann, n’existe pas de manière visible, officielle, affichée. Ce constat ne signifie pourtant pas qu’il y ait une complète incohérence entre ces deux démarches, qui concourent à l’atteinte d’un même objectif stratégique lointain. Mais la coordination n’est assurée que de manière non officielle, technicienne, par la proximité des intervenants entre les deux dossiers.

Cette proximité existe en premier lieu au sein du service Aménagement du territoire de la Communauté d’agglomération, qui fédère de manière transversale l’ensemble des réflexions prospectives et des planifications intercommunales. La coordination technique entre les démarches possède donc une composante interpersonnelle forte dans ce dispositif : au sein du même service, Annick Delorme assure le suivi du PLH, dans un bureau voisin de celui de Ludovic Meyer, chargé de mission PDU / PDS. Sylvain Liaume, qui a dirigé le service, confirme cette coordination technique :

‘En même temps, on a écrit le projet d’agglo, on a fait le PLH, le PDU. On a jeté les bases d’un schéma commercial. Le PLH a un retentissement aussi important que le PDU. Mais on n’a pas privilégié le PDU par rapport au reste. (…) Dans le travail technique, la cohérence chez nous, on en revient à l’organisation de notre service : c’est un travail d’échanges communs. Si on veut de la cohérence, il faut de la connaissance, c’est-à-dire être capable de faire circuler l’information, que tout le monde se comprenne et soit au même niveau. Ca renvoie donc aux questions de référentiels, dont on parlait tout à l’heure. (…) C’est toute une culture, une méthodologie de projet à avoir, qui permet d’avoir une cohérence. [entretien avec S. Liaume (SEM ADT)]’

En 2007 débute l’étude de la révision du PLH de Saint-Etienne Métropole, réalisée par son service Aménagement du territoire, avec l’aide de l’Agence d’urbanisme Epures. Il est trop tôt pour analyser le contenu du futur PLH, ni même sa méthode d’élaboration. On peut néanmoins observer que ce sont les mêmes acteurs techniques qui sont impliqués dans les dossiers PDU et PLH, ce qui plaide pour une cohérence de résultat entre les démarches, sans doute plus informelle qu’officielle. La phase diagnostic du PLH ne peut en effet s’appuyer que très modestement sur le projet formalisé dans le PDU : celui-ci est dépourvu d’objectifs chiffrés, et demeure presque muet sur les actions à mettre en œuvre, notamment en termes de localisations et d’habitat, pour aboutir à une meilleure attractivité des tissus urbains anciens de l’agglomération stéphanoise ainsi qu’à la relance de la fréquentation du réseau STAS, c’est-à-dire in fine à une meilleure cohérence entre urbanisme et déplacements.

On peut donc relever que la diffusion de la production de la scène PDU (négociations, projets, justifications, choix…) s’effectue avec difficulté en direction d’autres scènes, traitant d’autres thématiques de l’action publique locale et/ou situées à d’autres échelles d’intervention. Il serait pourtant faux de conclure qu’aucune coordination n’existe entre ces scènes : celle-ci existe, mais à l’arrière-plan, et n’apparaît que peu de manière officielle. Organisée sur un mode interpersonnel dans la « sphère technique », elle bute de manière manifeste sur l’absence de quantification, de précision et/ou de territorialisation du projet porté dans le cadre de la démarche PDU.

Illustration 67 : Cartographie du « projet urbain » de la Ville de Saint-Etienne
Illustration 67 : Cartographie du « projet urbain » de la Ville de Saint-Etienne

extraite d’un document de communication édité à l’occasion de la « Biennale de la ville » organisée en 2005, concomitamment au lancement de la révision du PLU de la ville-centre de l’agglomération.

La carte ci-dessus symbolise en quelque sorte ce constat de « cohérence de résultat en creux » : on y retrouve les axes de TCSP existants ou projetés, les secteurs d’intervention publique prioritaires par rapport à l’habitat et aux activités économiques. Mais l’on peut remarquer, à titre d’exemple, que l’aspect « déplacements » n’est jamais directement mobilisé pour légitimer le renouvellement urbain (centre-ville, quartiers sud-est, Montreynaud…) ou l’inaction publique (secteurs peu desservis, mal desservables, trop exposés aux nuisances…) On voit pourtant, graphiquement, qu’il existe une certaine corrélation entre les différentes politiques sectorielles !