6.2.2. Région / Agglomération, des « valses – hésitations » qui ralentissent la mise en œuvre du projet

Le Plan de Déplacements Urbains de l’agglomération stéphanoise est, en terme de projet, centré sur deux idées phares : réaliser une deuxième ligne de tramway urbain, et renforcer considérablement l’offre de service sur les 4 branches de l’étoile ferroviaire stéphanoise, afin d’irriguer au mieux la « grande » agglomération stéphanoise (au sens où elle dépasse les strictes contours de la Communauté d’agglomération, dans le scénario C du PDU).

La deuxième ligne de tramway, projet scindé en deux phases dont une seule a, pour l’heure, été réalisée, a nécessité principalement la coopération et la négociation de la Communauté d’agglomération et de la Ville de Saint-Etienne. Si le maire de la ville-centre est également président de Saint-Etienne Métropole, il a néanmoins fallu que les autres élus et les techniciens accordent leurs positions sur ce projet. En tout état de cause, ce projet – solution, pour reprendre le terme de J.M. Offner, était centré sur une négociation correspondant à l’aire d’influence des acteurs investis dans le PDU.

Concernant l’étoile ferroviaire, la situation est très différente. Le document validé explique le choix de Saint-Etienne Métropole de renforcer l’intermodalité pour les déplacements au sein de l’agglomération, c’est-à-dire de favoriser l’usage du train pour les déplacements urbains, plus rapide et plus fiable que les transports urbains, évitant ainsi de créer un réseau à l’échelle de Saint-Etienne Métropole, qui viendrait doublonner avec le réseau TER géré par la Région Rhône-Alpes264.

Mais au-delà de cet affichage, comment développer l’offre ferroviaire au sein de l’agglomération stéphanoise ? Concrètement, c’est le Conseil régional qui a compétence pour l’achat des rames et la définition de la grille horaire. Les deux lignes qui desservent la plaine du Forez échappent, par ailleurs, complètement à l’influence de la Communauté d’agglomération. Aussi les enjeux de coopération des acteurs et de coordination des procédures se concentrent sur l’axe Firminy – Saint-Etienne – Rive-de-Gier.

Si l’offre TER semble, en 2007, satisfaisante265 sur cet axe aux échelles de l’aire métropolitaine lyonnaise et de la Région, elle peut être perfectionnée à l’échelle de l’agglomération stéphanoise. La mise en service d’un matériel plus léger, plus proche d’un matériel urbain (d’où son appellation commune quoique ambiguë de « tramway ferroviaire léger ») permettrait de renforcer encore les cadences, tout en desservant plusieurs arrêts intermédiaires tout au long du parcours, d’où d’intéressantes interactions possibles avec le renouvellement urbain par ailleurs à l’œuvre.

Cette hypothèse, abordée dans les discussions entre partenaires depuis… les années 1990, soulève également l’hypothèse de l’interconnexion entre ces voies ferrées RFF et les lignes de tramway urbain exploitées par la STAS. Ce projet permettrait de desservir directement le centre de Saint-Etienne depuis Firminy et/ou Rive-de-Gier, répondant ainsi directement à l’un des objectifs initiaux du PDU, le renforcement de m’attractivité des centralités urbaines anciennes.

Tant techniquement266 qu’institutionnellement267, ce projet de « tram-train » pose de nombreuses questions, qui n’ont été qu’effleurées jusqu’à présent lors des discussions entre Saint-Etienne Métropole (et au-delà la « bulle PDU ») et la Région, cette dernière devant lancer une étude globale de scénarisation des développements possibles de l’étoile ferroviaire stéphanoise depuis 2003 (celle-ci débute finalement en 2007).

Depuis le lancement de la révision du PDU en 2003, on peut observer, au sujet du développement de l’offre sur les voies ferrées stéphanoises et sur l’hypothèse d’une interconnexion, une série de « valses hésitations », où tour à tour la Région et la Communauté d’agglomération semblent attendre un engagement clair du partenaire institutionnel.

C’est ainsi que des non-choix sont opérés : la deuxième ligne de tramway urbain a été posée sur des traverses qui prévoient la pose de deux files de rails, rendues nécessaires si un tram-train entre sur le réseau urbain. Mais les rails n’ont, eux, pas été posés, nécessitant une reprise des plates-formes si le projet voit le jour !

Ce constat est corroboré par les dires des élus qui ont été interviewés, et Patrick Moreau, Directeur des études à la STAS, résume bien l’état d’esprit des techniciens impliqués dans le suivi du projet PDU :

‘Aujourd’hui, j’attends de la part de la Région, qui est un partenaire important et indispensable, qu’elle clarifie sa position pour vraiment savoir ce qu’ils veulent faire, notamment sur le tram-train. Nous, nous avons pris les devants, techniquement, lors de la construction de la deuxième ligne. Mais je n’entends plus parler du tram-train, à la Région ! Je pense qu’ils calent sur les moyens financiers à mettre en œuvre, sur Grenoble, Lyon et Saint-Etienne. [entretien avec M. Thiollière (Maire de Saint-Etienne, Président de Saint-Etienne Métropole)]’ ‘Moi, je n’ai pas de souci jusqu’à présent, avec nos interlocuteurs du Conseil régional, parce que je sais que leur volonté, c’est la même que la nôtre, d’aller vers un transport collectif efficace. Ils sont plutôt… prudents… plus prudents qu’on le souhaiterait, parce qu’ils ne voudraient pas se laisser entraîner dans des mesures qui les obligent après à les dupliquer, ou à les décupler, sur l’ensemble de leur territoire. C’est ce qui explique, de mon point de vue, leur côté un peu hésitant parfois. Mais je suis sûr qu’au fond on est sur les mêmes objectifs. [entretien avec J. Frécenon (VP Saint-Etienne Métropole)]’ ‘La Région, dans le PDU, s’est intéressée, mais avec deux phases. Une phase, qui paraissait très motrice, très attentive, montrant que par rapport à d’autres agglos, ici il y avait une effervescence, un peu de volonté, dans tout ce qu’on disait, ce qu’on pouvait écrire, ils avaient l’impression de s’y reconnaître. Mais comme on est un peu trop mous, trop laxistes dans la réalisation, eux ils ont fini par se lasser. Et puis au moment où nous on aurait eu besoin d’eux, manque de chance, ils nous ont un peu mis des bâtons dans les roues, en tous les cas pas aidés, et finalement, c’est devenu presque une opposition, indépendamment des aspects politiques. [entretien avec P. Moreau (STAS)]’

L’ensemble de ces observations et commentaires montre que le PDU stéphanois ne suffit pas à légitimer, ni à accélérer la réalisation des différents projets d’amélioration de l’offre sur les lignes RFF. A sa décharge, il faut rappeler qu’aucune étude technique, aucun choix politique n’avaient permis au document d’être clair dans les modalités de mise en œuvre du projet, tant en 2000 qu’en 2004.

La première phase, consistant à électrifier la voie jusqu’à Firminy et à moderniser les gares du parcours a bien été réalisée, mais celle-ci ayant été inscrite au Contrat de plan Etat Région 2000 – 2006, on ne peut donc affirmer que le PDU ait porté tout seul le projet. On peut noter à ce titre que cette première phase n’a été justifiée, en terme de rentabilité de l’investissement, qu’en référence à la deuxième phase, c’est-à-dire à la mise en service d’un tram-train interconnecté, dont l’horizon de réalisation apparaît aujourd’hui bien éloigné.

En tout état de cause, on peut retenir de ce second exemple que le PDU ne « catalyse » pas l’action autour d’un projet sur lequel il a pourtant un discours fort, quoique généraliste. Les « valses – hésitations » entre la Région et la Communauté d’agglomération viennent confirmer le positionnement en retrait du Conseil régional au sein de la scène PDU et de la mise en œuvre opérationnelle du projet qu’elle défend. Une seconde fois, on peut donc conclure que la démarche locale de planification sectorielle parvient difficilement à atteindre les échelons géographiques et institutionnels supérieurs, au risque d’accentuer l’hiatus entre les ambitions initiales du projet et sa mise en œuvre concrète.

Notes
264.

Cette situation existait auparavant dans la vallée de l’Ondaine : sur les liaisons Saint-Etienne – Firminy, on recensait, jusqu’en 2006, une ligne TER (avec des semi-directs et des omnibus), une ligne STAS « express » (ligne 15 par autoroute) et une ligne STAS « urbaine » desservant toutes les communes intermédiaires (ligne 1). Depuis l’électrification de la ligne en décembre 2005, le lancement de la gamme tarifaire combinée STAS + TER (« OùRA ! ») et le renforcement de la fréquence des TER en 2006, la ligne 15 a été supprimée et la ligne 1 rabat la clientèle urbaine sur les gares TER).

265.

La quasi-totalité du matériel roulant circulant sur cet axe a été modernisée et/ou renforcé en capacité ; le cadencement global de l’axe est annoncé pour décembre 2007, prévoyant globalement un train au quart d’heure en heures de pointe, un train à la demi-heure tout le reste de la journée.

266.

Il s’agit principalement de questions d’écartement des rails et des voies, de gabarit des rames et des stations, d’alimentation électrique, etc.

267.

Savoir qui finance l’investissement puis l’exploitation, qui conduit les rames, quelle forme juridique gère le système, etc., sont autant de questions qui ne font pas consensus.