4. Conséquences sur la conduite de projet

bilan des coopérations entre acteurs ?

Je trouve que c’est formateur. On a fait des réunions publiques par exemple sur la rue du onze-novembre, sur les aménagements tram, maintenant, ça y est, tous les stéphanois l’ont intégré, ils savent à quoi s’attendre, mais les premières réunions publiques… je m’en rappelle de la première, on y est allés… après on a plus préparé, ça allait mieux ! Mais ça permet de ne pas se déconnecter du terrain. Même si ça n’empêche pas que les techniciens doivent avoir cette vue plus haute.

Quand on réunit 3 ou 4 acteurs, ça va très bien. Quand on veut passer à une échelle supérieure, qui est quand même celle demandée par les lois, on y arrive beaucoup plus difficilement. Au niveau des techniciens, il y a une culture de travail en petite équipe, et pas en grandes équipes. Mais c’est de la faute des facs et des grandes écoles !

Dans la décennie écoulée, le réflexe du repli sur son pré carré, chez les techniciens, s’est quand même atténué. C’est vrai pour les techniciens, mais pour les élus, je serai moins optimiste… Sur les 117 communes du SCOT, il y en a 100 qui sont rurales ou périurbaines. Ces maires, on leur demande beaucoup, et de plus en plus… et leur fonctionnement, c’est de dire qu’ils connaissent avant tout leur commune. C’est des gens disponibles, dévoués ; le travail de leur commune leur prend un temps énorme. Et ils ont fonctionné pendant 1à ans, 15 ans, avec un système relationnel qui est le guichet du Conseil général, donc du canton. On allait voir le Conseil général pour refaire la toiture de l’école… Maintenant, on leur dit « attention, vous avez un échelon intercommunal, Loire Forez ou Métropole. Métropole, je le mets à part. Mais Loire Forez n’a pas de projet de territoire. On demande à un maire de continuer au quotidien à être dans sa commune, de se retrouver dans une intercommunalité, qui n’a pas encore d’image, de projet. Et on lui demande en plus de se situer à l’échelle du SCOT ! C’est trop rapide… Il y a des maires qui ont compris, ça me rassure beaucoup ! Je prends l’exemple de la plaine : j’ai entendu pas mal de maires dire qu’ils se sont décidés pour une intercommunalité, qu’il faut aller jusqu’au bout, et qu’ils ont besoin d’aide en ce sens, d’avoir un projet commun. Ca demande donc de la souplesse, il va falloir 10 ou 15 ans… Mais je ne pense pas qu’il y ait d’élus de mauvaise volonté. Si, il y en a quelques-uns uns !

Donc le noyau dur reste, il peut s’activer à n’importe quel moment, mais qui n’a plus son temps fort aussi important, puisqu’on a basculé dans l’opérationnel, et c’est moins nous qui pouvons faire.

Après, je pense que le gros point négatif reste pour moi la Ville de Saint-Etienne, parce que quelles que soient les personnes qu’on a eues sur la durée, je ne les ai pas vues s’intéresser vraiment. Encore une fois, c’est même l’inverse. Sur les gros dossiers, comme la démolition de la « muraille de Chine », comme sur Bellevue, comme sur les cliniques, comme sur le reconditionnement du GIAT, chaque fois, alors qu’on les interrogeait sur les pistes, sur le devenir, jamais de réunion nous expliquant ce qu’ils voulaient faire. Non, ils venaient aux réunions, ne donnaient aucune info, avec l’impression que systématiquement, ils gardent leurs secrets, et dès qu’on a des idées un peu nouvelles, on n’y voit pas adhérer grand monde. Sur toute la période, moi je reste un peu déçu, étant donné tout ce qu’on a essayé. Tous, que ce soit l’Agence, le SIOTAS, la Stas, étaient prêts à aider la Ville de Saint-Etienne pour essayer de se redonner une certaine prestance, une certaine dynamique, et on n’était pas là pour les embêter. Mais on a toujours l’impression qu’ils le prenaient dans ce contexte là, et ça c’est un peu dommage. Sans la ville centre, faire ce genre de démarche sans avoir l’adhésion et la volonté de s’investir là dedans, on a l’impression qu’il y a toujours une rivalité. Si tout passe par le PDU, de fait, on va pas les reconnaître. Je sais pas si on les reconnaîtra beaucoup dans ce qu’ils auront fait. Mais je suis un peu déçu pour une ville d’une taille comme ça, je suis un peu étonné.

Le Conseil général, je n’en parle même pas, c’est pour mémoire. Les relations se passent avec eux, mais c’est un puits sans fond.

La Région, dans le PDU, s’est intéressée, mais avec deux phases. Une phase, qui paraissait très motrice, très attentive, montrant que par rapport à d’autres agglos, ici il y avait une effervescence, un peu de volonté, dans tout ce qu’on disait, ce qu’on pouvait écrire, ils avaient l’impression de s’y reconnaître. Mais comme on est un peu trop mous, trop laxistes dans la réalisation, eux ils ont fini par se lasser. Et puis au moment où nous on aurait eu besoin d’eux, manque de chance, ils nous ont un peu mis des bâtons dans les roues, en tous les cas pas aidés, et finalement, c’est devenu presque une opposition, indépendamment des aspects politiques. Même si avant, des élus d’ici étaient très présents dans les instances régionales, avant le changement de bord. Enfin, c’est du fait qu’on a trop dérapé dans le temps. Si on avait pu mettre cette dynamique en route, quitte à leur concéder des choses, à essayer d’obtenir des choses de manière beaucoup plus concrète, on a pas su s’y prendre. Et de quelqu’un qui aurait pu être assez moteur, avec des positions tranchées, et qui manquaient un peu… ça peut se réactiver. Mais pour moi, la dernière année [2005], me paraît très difficile.

Sur les communes, et la Ville de Saint-Etienne, au début on avançait un peu sans eux. Et puis j’ai l’impression qu’au niveau de l’équipe d’élus, on a pris en compte différemment, par rapport au premier PDU, le fait qu’il fallait être présent sur ce sujet, parce qu’on s’est peut-être rendu compte des impacts potentiels sur les compétences qui restaient à la Ville. A partir de là, il y a des moyens techniques qui ont été mis en place. En ce sens, ça a quand même facilité les choses. On voit qu’à présent que l’on est sur des phases pré-opérationnelles, les discussions sont quand même facilitées par le fait qu’il y a eu cette association. Donc ça, c’était plutôt bien joué quand même.

Mais c’est quand même dommage qu’on n’ait pas eu d’apport ni du Département ni de la Région dans les phases de diagnostic et de détermination des enjeux.

Sur l’adhésion au projet, il y a les communes, à part une ou deux, qui n’accepteront jamais, pour des raisons diverses et variées, que l’agglomération vienne leur dire des choses sur leur territoire. Mais je trouve qu’il y a une adhésion globale au projet… Bon, le Conseil général n’adhère à rien du tout, le but du jeu c’est qu’il a un plan d’aménagement du réseau de voirie depuis des lustres dans la tête, et qu’il l’applique quoi qu’il arrive ! Tempête du pétrole ou pas, il fera ses voiries ! C’est tout le temps les mêmes litanies… On dira peut être la même chose de Métropole dans quelques années ! On dira qu’on est en 2025, et qu’on est toujours avec notre PDU qui n’a pas bougé ! Mais je pense que c’est une question de génération. On n’est pas des bétonneurs, on n’est pas des routiers, même si je n’ai rien contre eux… mais on n’a pas la culture ingénieur des routes, à se faire plaisir à faire de beaux ponts ! Il reste qu’on a l’impression qu’ils se gargarisent d’objets techniques, en fait… Mais leur manière de communiquer, c’est un discours de satisfaction technicienne. On ne fait pas un pont pour que les gens circulent bien, on fait un grand pont sur la Loire, un beau pont, qui soit une satisfaction technique, de construction. Une fois, à une réunion, je l’avais dit, en plaisantant : avant, les départements, c’était de pouvoir se rendre à la Préfecture en une journée de cheval. Bientôt, ce sera en 10 minutes de voiture ! Ce qui est curieux, c’est la hiérarchie des priorités et les coûts. Quand ils vont recalibrer une voirie qui va à Saint-Hilaire – Cusson – la Valmitte, je n’ai rien contre, mais au bout d’un moment, on se demande si c’est prioritaire… Je ne suis pas anti route. Mais quand on voit ce que coûte la reprise de trois virages, et que l’on nous dit qu’il n’est pas possible de retaper des bretelles d’autoroute ultra dangereuses…

Sur leur réseau de bus, c’est pareil. Là, ils sont enfin en train de le refaire… mais ils n’en parlent à personne, ça va être un copier – coller du précédent… A l’échelle de la Région, on voit bien que ce n’est quand même pas très novateur ! Sur ces questions-là, c’est quand même un des départements les plus en retard… Bientôt on va être derrière l’Ardèche ! Par rapport aux choix politiques en Isère ou dans le Rhône d’aider les territoires urbains… La Loire a toujours refusé de le faire. Ils ne sont jamais moteur, mais toujours à la remorque. Et pas qu’avec nous, avec la Région aussi, pour la tarification. Nous, on est à la traine, pour des raisons financières, mais le Conseil général est toujours le « vilain petit canard ». Il le fera, à la fin, mais ce sera toujours le dernier. Il aura toujours fallu les tirer.

Avec la Ville de Saint-Etienne, on sent qu’il y a des habitudes de travail qui se mettent en place, des objectifs fixés et partagés, même au niveau des DG. Il y a une adhésion au projet. Mais ça n’est pas idyllique quand même ! On est encore beaucoup dans le pré carré du fait du prince… Ca va évoluer. Il faut que Métropole se structure, et que la DG porte le projet PDU. C’est donc un problème de relais.

Avec le STU, il n’y a pas de problème sur le fond, mais un problème de répartition des rôles. C’est un problème de structuration des services.

rôle des PDS : négociation ou pédagogie a posteriori ?

Mais concrètement, après, je vois la difficulté de passer ces différents étages, entre la grande efficacité de quelques acteurs en noyau dur, des gens qui peuvent définir les grands principes, et qui voient vers quoi ils veulent aller, mais qui ne suffisent pas, il faut aussi que ça redescende au niveau très concret du terme. Dans le PDU, ça ne tient pas.

Mais la difficulté, c’est d’enchaîner les actions. Ce que je crains, c’est que l’on n’ait pas la dynamique d’intervention dans l’espace qui soit suffisante. Si l’on pouvait avoir qu’une bonne partie des projets soit en cours, sur chacun des territoires, et qu’on puisse imaginer faire des réunions, dans le cadre des PDS, tous les mois, pour dire « voilà, là on a tel projet, là on en est à telle phase, une espèce d’interactivité à échéances régulières, et qu’on puisse resituer toutes ces réunions PDS dans un cadre de l’ensemble des PDS, sans parler du PDU, mais de dire de l’inter-PDS, que les gens appartiennent à ces deux niveaux. Le niveau PDS, parce que là, c’est des choses qui vont les concerner sur leur territoire, mais aussi qu’ils appartiennent à l’ensemble des PDS, donc au PDU, mais on est pas encore dans cette dynamique là. Je ne sais pas si on y viendra. La liste des choses qui sont à faire, et dont certaines sont encore à étudier, là j’ai un peu peur. Je sais qu’on ne pouvait pas bien faire mieux, sinon on tombe trop dans « les réunir pour dire des choses ». On est assez limité, dès qu’on va dans des espaces où il n’y a pas de problématiques aussi importantes, on a du mal à motiver tout le monde.

Je reste donc persuadé que c’est un bon compromis entre le PDU et les PDS, qui sont le PDU à taille humaine. Le premier PDU était plutôt pour quinze communes. Quinze par quatre secteurs, on est à peu près dans l’ordre de grandeur. On ne pourrait plus faire un PDU de 43 communes. Donc c’est correct, mais ça manque de basculer plus dans l’opérationnel.

Après, le fait que ce soit une déclinaison volontariste, ça en limite un peu la portée. Ceci étant, ça permet d’aborder des phases et des niveaux de précision qui, j’imagine, sont rarement précisés dans les documents de PDU. En ce sens, essayer de mettre autour de la table l’ensemble des projets des partenaires, c’est vraiment intéressant. Après, il faudra voir comment on fait vivre ces PDS, on est en phase d’approbation pour quasiment tous les PDS. Il faudra vraiment s’assurer au niveau politique qu’on continue à avoir un portage de l’esprit présent au départ, et puis un pilotage qui permet d’avoir, comme pour le PDU, une déclinaison programmée, annuelle, avec des interactions avec le comité de suivi du PDU.

Que les projets routiers et communaux soient plus mis en avant, ça n’est pas surprenant : sur les points forts, les pierres angulaires du PDU, ce sont des aspects qui avaient été suffisamment déclinés au niveau du PDU, pour que ce soit davantage un élément de contexte qu’on ne remet pas en question, dont on laisse la maîtrise de la mise en œuvre à l’AOTU.

Les communes abordent l’exercice avec un œil neuf. Elles n’ont pas en tête le PDU. Elles laissent complètement sous la responsabilité de Saint-Etienne Métropole le fait que le cadrage de l’exercice soit effectivement cohérent avec ce que dit le PDU. Il n’y a pas de revendication des communes par rapport à ça.

retour à la cohérence : comment faire le lien avec l’urbanisme, la programmation urbaine ? comment dépasser le discours PDU et SCOT ? Y a-t-il une vraie volonté de transversalité ?

comment articuler discours SRU (via PDU) et problématique du désenclavement autoroutier ? Est-on sur la même scène de négociation ?

C’est vrai que ça peut être complètement anachronique… Mais aujourd’hui notre agglo est très mal desservie par le mode routier. J’entends le discours – c’est vrai qu’on peut se poser des questions-, quand la RN 88 est bloquée, c’est affolant, les voitures… Dès qu’il y a un accident sur une route, le problème sur notre agglo, c’est qu’on n’a aucune alternative. On aurait un autre axe… Saint-Etienne est complètement bouchée dès qu’il y a un accident. Je crois qu’il nous faut forcément un axe routier qui soit confortable, où ça roule, où ça dégage. Pour moi, l’A 45, le COSE aussi, c’est vraiment un axe pour dégager, c’est pas pour faire ce qu’on appelle le cabotage. Une fois qu’on a ces grands axes structurés, la RN 88 qui traverse les quartiers, et l’A 72 aussi pourquoi pas un jour, pour moi on reconfigure en boulevard urbain – à fort trafic ou pas, ce n’est pas le problème. Mais je veux dire qu’à ce moment-là, on peut en faire une voirie de desserte de la ville. La ville de Saint-Etienne est configurée de telle sorte qu’on a le cours Fauriel à 2x2 voies… on n’a pas 36 axes. Je l’ai vu quand on a voulu faire les contournements, réfléchir à la circulation sur Châteaucreux, c’est vraiment très très contraignant. Quand dans une rue on dit qu’on aimerait élargir le trottoir, c’est forcément qu’on supprime le stationnement, mais les riverains en ont besoin aussi. On a une vraie problématique, ce que n’ont pas d’autres villes. C’est vraiment purement local.

Donc je crois qu’on est obligés d’avoir le contournement ouest et l’A 45, parce qu’on n’y arrive pas. Les stéphanois n’ont pas à subir que tout le trafic se déverse en ville dès qu’il y a un accident sur la RN. Ou alors la ville, on en fait vraiment un échange routier…

Ca n’empêche pas qu’on mène en parallèle le rabattement sur les fameux pôles d’échanges, après c’est une politique de temps en transport collectif, c’est une politique tarifaire, ça n’empêche pas. Pour moi, ça n’est absolument pas contradictoire. Notre territoire a besoin d’un meilleur axe routier. Le reste, on peut le mettre en place malgré tout.

Sur l’A 45, moi je suis clair, je sais que j’ai de bons amis qui y sont autant farouchement opposés que moi j’y suis favorable, parce qu’ils se disent qu’on n’a pas besoin de ça, on peut vivre sans ça… Moi, je pense qu’une agglomération comme le nôtre, dans la vision que j’ai, c’est-à-dire qu’elle doit être parfaitement articulée avec la capitale régionale, je pense qu’on a besoin d’une autoroute assez rapide, qui permette d’ailleurs d’aller au-delà de Lyon. Et puis on a besoin d’une voirie urbaine, qui serait l’A 47, là avec des vitesses relativement lentes…

Dans mon esprit, ce n’est pas contradictoire. Et ceux qui disent que c’est contradictoire, c’est la même démarche que quand on demande si on a besoin d’un aéroport à Bouthéon, puisqu’il y a Saint-Exupéry. Ce ne sont pas les mêmes avions qui vont atterrir à Saint-Exupéry ! Et si les entreprises nous disent que c’est important pour elles, quand elles ont des visiteurs, d’avoir un aéroport, même s’il n’est pas énorme, et d’avoir quelques charters qui viennent, ça peut suffire… Je ne vois pas d’incohérence. Qu’on pointe la contradiction, à un moment ou à un autre, c’est de bonne guerre… Quand on est écologiste et qu’on met l’écologie avant tout le reste, bon, effectivement, on ne veut plus de pollution atmosphérique, très bien ! Si en sortant d’ici, je prends mon vélo pour rentrer chez moi, je serai fondé… Comme ça n’est pas encore le cas… je prends encore ma voiture… Saint-Jean-Bonnefonds est très près de Saint-Etienne. Chaque fois que j’ai intérêt à prendre le bus pour venir au centre-ville parce que je n’ai pas besoin de garer ma voiture, que j’y trouve une certaine forme d’économie, je le fais, et je pense que mes concitoyens font comme moi… Mais personne n’est parfait ! Moi je défends le ferroviaire et le routier de la même manière.

A Saint-Etienne, on sait très bien que la ligne Lyon – Saint-Etienne est saturée et limitée. Et l’A 47, on dit toujours saturation, problèmes, accidents… un axe qui avait le mérite d’être précurseur quand il a été créé. Arrivé trop tôt, il vit aussi les problèmes avant les autres. Donc Saint-Etienne est mal desservie. Il faut parler de fiabilité des temps de parcours, surtout avec les gens qui le vivent très mal. Il y a un problème d’image. L’autoroute a mauvaise image, et puis la ville s’est construite autour… donc si on veut l’améliorer, en fait, il faut en faire une autre, et du coup, on passe dans des espaces vierges. Donc Saint-Etienne n’a pas un problème de route ou un problème de fer, elle est enclavée ! Les moyens de transport qui desservent Saint-Etienne sont arrivés à saturation, technique et quantitative. S’il y avait un moyen simple d’améliorer la voie ferrée et de faire du rabattement… mais la voie ferrée, on sait très bien que quand on arrive à Lyon, elle n’est pas efficace. Le principe de réalité, c’est dire qu’il ne faut pas oublier la route. Il vaut mieux prévoir la route, quitte à ne pas la faire, sinon, Saint-Etienne va être asphyxiée. Dan la région parisienne, il y a plein d’endroit qui sont saturés, et tout le monde vit très bien. La seule chose, c’est que je pense que pour Saint-Etienne, c’est beaucoup plus néfaste que pour n’importe quel endroit. En région parisienne, tout le monde a l’habitude. Il n’y a pas un endroit qui est moins bien desservi que l’autre. Tout le monde vit dans cette espèce de marée, où on dit que c’est normal de mettre deux heures pour aller à Paris. A Saint-Etienne… Moi, j’entends les entrepreneurs, on sent qu’il y a un moment où, si l’on n’est pas capables de leur assurer un temps pour rejoindre la vallée du Rhône, ils auront envie d’aller ailleurs.

Si on prend l’A 45, qu’est-ce qui est réaliste à l’époque actuelle ? L’A 89, c’est Pascal Clément, l’A 45 c’est Michel Thiollière… c’est un peu ça, non ? Je ne suis pas intimement convaincu que du nord de Lyon jusqu’au sud, on ait besoin de 3 axes transversaux est-ouest. Je suis par contre sûr que Saint-Etienne a besoin d’être désenclavée, ça me paraît assez évident. Je trouve qu’on a donc perverti sur deux ou trois décennies perverti ce plan initial, parce qu’il aurait fallu l’adapter à de nouvelles réalités économiques, de nouvelles réalités de développement de nouvelles centralités. Derrière la réalisation d’A 45, du coup, il y a la satisfaction d’un certain nombre de besoins qui ne sont pas crédibles…

Et politiquement, le PDU ne peut pas prendre position. Le SCOT ne prendra pas position non plus. Le PDU et le SCOT devraient être plus énergiques là-dessus. Mais je n’aime pas taper non plus sur les élus, parce qu’ils sont dans un registre d’intervention où on leur demande d’abord d’être connus au niveau national pour pouvoir défendre au niveau local un certain nombre de projets ! Ils font leur métier… Mais je suis plus méchant avec les hautes fonctionnaires : à un moment donné, on est sortis collectivement de notre devoir d’analyse, d’expertise et de conseil. Quand on fait un PDU et qu’on se rend compte 3 ans après qu’on a oublié des choses, il faut avoir le courage de conseiller une révision, des évolutions. Mais sur des projets comme l’A 45, pour moi comme pour le commun des mortels, au bout de 20 ans, ces projets ne deviennent plus crédibles, même s’ils ont une nécessité. C’est là où ça ne va plus ! Le risque c’est de décrédibiliser l’élu et porteur et le projet de territoire. C’est pour ça que je dis que notre système de décision des grandes infrastructures est perverti.

Après, on a essayé de s’en accommoder, les choses étaient parties comme ça. Au départ, dans le PDU, on ne parlait pas trop de voiries. Aujourd’hui, c’est le rôle inverse. Pratiquement, tout ce qu’on a fait l’année dernière, c’est de la voirie. Le transport disparaît. Donc, une fois qu’on a parlé modes doux et voiries, il ne reste plus grand chose. Les DVA n’ont pas d’existence.

Au fur et à mesure que les approches qui avaient été lancées ont été modifiées, il aurait fallu que ça s’accompagne d’un certain nombre de recommandations, qui fassent qu’on ne soit pas dans un flou aussi important. C’est-à-dire qu’on dise que la problématique d’une voirie du type A 45 est conditionnée à tels critères, qu’il y ait des éléments qui viennent lever cette ambiguïté. Si on fait cette A 45, c’est qu’en mettant autant d’argent, sur la balance, on met en même temps une partie des clés qu’on accepterait dans le futur, au sens qu’il y ait un rééquilibrage fondamental de toutes les sommes consacrées à la mobilité, entre les grands modes. Pour moi, il ne devrait plus être question aujourd’hui de dire «  quand je dépense un million en voiries, si je ne mets pas, mettons 20 % pour des transports collectifs, alors je ne fais pas le projet ». Et on ferait la même chose dans l’autre sens. Et alors on n’interdit pas à quelqu’un de faire un projet routier s’il a une justification, s’il répond aux critères de rentabilité de l’Etat.

Donc là, il y a un paradoxe. On est dans deux champs différents. Les gens le réclament à corps et à cris, tout en nous disant qu’ils veulent aussi le PDU. Et je ne vois pas comment on va avoir les deux, et faire que les comportements changent, si on leur dit qu’il y a moins de place pour la voiture, mais qu’on leur offre une autoroute pour aller à Lyon. Mais à notre niveau, à notre échelle, on ne pouvait pas trancher ces questions là. Soit on avait des gens assez intelligents pour le comprendre, et ne pas rentrer dans ce débat là, dix ans après, Saint-Etienne ne disparaîtra pas si elle vient un peu plus tard. Soit, inversement, puisqu’on fait l’autoroute, il y a un certain nombre de principes dans le PDU. Là, c’est une logique un peu stupide, parce qu’on reporte tout, en disant que demain, on aura mis beaucoup de moyens partout, donc ça coûte quand même cher, pour attendre de savoir ce que les gens vont choisir.

Sur le COSE, c’est un peu pareil. Un COSE oui, mais un COSE à tout prix, dans n’importe quelles conditions. Pour le choix de tracé, on a véritablement essayé de définir un tracé qui soit le moins favorable à tout ce qui est extension de la périurbanisation, et aussi à la concurrence avec le projet Saint-Etienne – Firminy. Ca c’était quand même très présent. Aujourd’hui, on est vis-à-vis de soucis financiers pour boucler le plan de financement du COSE. Le phasage, on l’examine véritablement par rapport à l’impact plus ou moins négatif qu’il peut y avoir sur l’accroissement des déplacements de véhicules particuliers. Ca nous a conduits à proposer au Ministre un phasage qui n’est pas le plus facile au plan technique, vers lequel on se serait engouffrés avec notre casquette de technicien de la route, parce que l’on sait qu’il peut avoir des impacts qui peuvent être difficiles sur les politiques de l’agglo. Il n’y a pas trop d’états d’âme en se disant qu’il y a deux casquettes, et qu’il faut faire attention à quel moment on parle…

Il y a un élément de contexte A 45, on le voit dans les PDS, on l’assume. Si demain, au niveau de l’enquête publique, on montrait que la solution combinant les préconisations du bureau TTK sur le développement vraiment volontariste des trams-trains sur Lyon – Saint-Etienne avec une approche de niveau de service sur A 47 sans vraiment augmentation de capacité – qui est aussi celle qui est développée dans l’option élargissement… Au plan financier, on se rend compte que c’est à peu près kif-kif par rapport à une A 45, sauf à avoir de très bonnes surprises sur les niveaux de concession. En termes de fonctionnement, on peut arriver à des choses qui ne sont pas si catastrophiques que ça.

Il y a des problèmes de circulation automobile, sur des voies obsolètes. Il y a différents moyens de répondre à ça. Gestion de vitesse, transfert modal, améliorations ponctuelles des niveaux inférieurs… On n’arrivera jamais à la fluidité attendue par tout le monde. Dès qu’on dépasse les 50 000 véhicules / jour sur une voie, on commence à être en situation dangereuse. Donc le vrai confort que tout le monde attend, c’est entre 30 000 et 50 000 véhicules / jour…. Et les nouveaux tuyaux, si on a les moyens de se les payer, faisons de nouveaux tuyaux ! Par contre, ce qu’on n’a pas aujourd’hui, c’est les moyens de mettre le trafic qu’on veut voir sur ces nouveaux tuyaux, et non pas un mélange de trafics… donc ça rejoint les préoccupations de tarification des usages des voiries, non pas comme outil pour remplir les caisses de l’Etat ou des collectivités locales, mais comme outil pour réguler l’utilisation des routes, pour gérer les « robinets »…

Bien sûr que ce projet, pour le moment, il a un côté « rideau de fumée », pendant qu’on parle de ça, on ne pense pas à autre chose… Mais si on réfléchit à un système global de transport, au fait qu’une aire métropolitaine va générer de plus en plus de trafics, que plus Lyon s’engorge et repousse ses voitures à l’extérieur, plus nous on va être gênés pour rejoindre les grands réseaux pour aller en Italie, au sud ou au nord… A partir du moment où nous, on positionne de nouveaux tuyaux pour aller se connecter à ces réseaux là, pourquoi pas ?

Là où je rejoins les réflexions techniques prudentes, c’est sur le niveau de financement public nécessaire : l’argent qui sera mis là ne pourra pas être mis sur autre chose. Donc c’est une question de priorité de financement. Cette autoroute se justifie pour Saint-Etienne comme accès au réseau national. Pour les déplacements urbains, ça ne règlera pas l’accès à Lyon.