1.2. Des connaissances non abstractives : des traces

1.2.1. Les modèles d’exemplaires : Medin et Shaffer, Nosofsky

Les modèles d’exemples représentent une première catégorie de modèles dits épisodiques. Dans ces modèles, ce ne sont plus des concepts qui sont stockés en mémoire mais les expériences particulières ou « exemples ». Ainsi, que ce soit dans le modèle de Medin et Schaffer (1978) ou celui de Nosofsky (1988), la mémoire contient des exemplaires uniques, composés d’un nombre variable de traits, stockés séparément. Selon ces modèles, une connaissance générale est accessible à travers l’activation en parallèle des traces d’expériences.

Pour ces modèles d’exemplaires, la décision de l'appartenance catégorielle d'un objet repose sur le calcul d'un degré de similarité comme pour les modèles prototypiques de Rosch et Mervis (1975). Cependant, deux différences fondamentales sont à souligner : les éléments à partir desquels le calcul de la similarité est effectué et les règles de ce calcul. Les modèles d’exemplaires considèrent que la mémoire stocke l'ensemble des exemplaires que nous rencontrons. Chacun de ces exemplaires serait décrit suivant de multiples caractéristiques en mémoire, mais aucun prototype ne serait construit à partir de ces attributs. Dès lors, si la question de l'appartenance catégorielle d'un objet se posait, la similarité ne serait plus calculée entre un prototype et un objet mais entre les attributs de cet objet et tous les attributs des exemplaires des catégories stockés en mémoire. La similarité entre deux traits définissant les objets aurait une valeur continue entre 0 et 1 (1 signifiant une similarité maximale). Ainsi, on obtiendrait un degré de similarité locale pour chacun des traits comparés. Le calcul de la similarité globale ne serait alors pas effectué selon une règle additive mais multiplicative : les différentes valeurs attribuées à chacun des traits seraient multipliées. Ainsi, un degré de similarité nul rendrait également nulle la similarité globale. Cette méthode de calcul semble particulièrement pertinente lorsqu'il s'agit de décider de l'appartenance catégorielle de deux objets particulièrement similaires d'un point de vue structural. Par exemple, si l'on considère un mannequin et un être humain, la règle additive de calcul de la similarité conduirait à conclure de l'équivalence de ces deux objets (ils partagent en effet une grande liste de traits communs). Pourtant nous parvenons à les différencier assez rapidement. La règle multiplicative utilisée par le modèle de Medin et Schaffer (1978) parvient à rendre compte de ce phénomène.

Cette règle sera rapidement complétée par d'autres modèles par exemplaires tel que celui proposé par Estes (1986, 1991, 1994) et Nosofsky qui enrichit ce calcul en tenant compte du fait que, selon les individus, les dimensions définissant les objets seraient plus ou moins saillantes et en introduisant aussi la variable « fréquence de l’exemplaire ». En effet, le modèle contextuel généralisé (GCM, pour Generalized Context Model, Nosofsky, 1986, 1988) démontre que la prise en compte de la fréquence des exemplaires améliore les prédictions du modèle de Medin et Schaffer (1978). Cette introduction de la variable « fréquence », qui suggère la possibilité de stocker en mémoire plusieurs exemplaires d’un même item, amorce le passage vers les modèles à traces multiples tels que ceux proposés par Hintzman, Whittlesea ou Logan (1988, 1991).