1.2.2.1. Le modèle MINERVA 2 de Hintzman

Ce modèle proposé par Hintzman est certainement le plus connu dans cette famille des modèles à traces multiples. La première version de ce modèle, MINERVA 1, fut initialement proposée par Hintzman et Ludlam (1980), dans une étude qui démontrait que les effets observés par Posner et Keele (1968, 1970) et interprétés comme suggérant l’existence de prototypes, pouvaient aussi bien s’expliquer par un modèle tel que celui de Hintzman et Ludlam. Le modèle MINERVA 2 a abandonné la représentation propositionnelle pour une représentation plus simple, basée sur des listes d’attributs. Cette deuxième version permet d’expliquer différents phénomènes de la mémoire, comme l’apprentissage des concepts (Hintzman, 1986), les jugements de fréquence et la reconnaissance (Hintzman, 1987 ; Hintzman, 1988). La figure suivante illustre le fonctionnement de MINERVA 2.

Figure 7 : Schéma du principe de MINERVA II proposé par Hintzman (1986)

Ainsi, comme l’illustre la figure précédente, la sonde génère pour chacune des traces en mémoire une valeur d'activation (valeur entre parenthèses à gauche de chacune des traces). À partir de ces valeurs, l'intensité de l'écho est calculée puis redistribuée pour chaque trace de manière pondérée. Ces traces servent alors à générer le contenu de l'écho. Ce modèle non abstractif suppose que le système mnésique ne fonctionne pas à partir d'unités sémantiques, mais à partir de stimulations élémentaires appelées encore traits, dimensions ou primitives. Chaque nouvel épisode vécu se matérialise sous la forme d'un vecteur.Toujours sur cette figure, les lignes correspondent aux différents épisodes vécus et, à partir des colonnes, on retrouve toutes les valeurs prises par une dimension lors des différentes expériences du sujet.

Ainsi, accéder à une connaissance consisterait à sonder la mémoire avec l'épisode de récupération que les auteurs nomment sonde (qui serait elle-même représentée sous forme d'un vecteur) et à recréer une nouvelle configuration de stimulations. Ce processus s'effectuerait donc en deux étapes successives. Lors de la première étape, chaque trace contenue en mémoire serait activée en fonction de sa similarité avec la sonde (l'activation d'une trace est donc liée au nombre de traits qu'elle partage avec la sonde). Un degré d'activation serait alors associé à chacune de ces traces. La deuxième étape consisterait à calculer la somme de ces activations générées par le passage de la sonde et à redistribuer de façon pondérée cette activation dans les traits de chacune des traces stockées en mémoire (l'auteur parle de redistribution de l'activation). L'ensemble de ces traces activées puis modifiées permettrait ensuite le calcul d'un nouvel état de cellules qui constituera l'écho (ou évocation). L’intensité de l’écho est considérée comme un indicateur de la familiarité entre l'épisode de récupération et les épisodes contenus en mémoire à long terme.

L'émergence des connaissances sémantiques (donc acontexualisées) à partir d'un ensemble de connaissances épisodiques serait due à la multiplicité des traces activées par la sonde. Lorsque la sonde est similaire à un grand nombre de cas (et non pas spécifiquement à une seule trace), un grand ensemble de traces contribue au calcul de l'écho. À l'issue du calcul, cet écho sera composé des caractéristiques communes à ces différentes traces, alors que les entités discordantes entre ces traces auront eu tendance à s'annuler. Ainsi, il serait possible d'évoquer les caractéristiques générales d'un objet sans se souvenir des caractéristiques de chaque épisode de rencontre (Rousset, 2000).

Bien que ce modèle suscite de nombreuses interrogations (nature des entités permettant de caractériser les traces mnésiques, quantité requise pour une description fidèle de l'épisode, etc.), il pose le principe de base de tous les modèles unitaires : les connaissances sémantiques ne seraient pas contenues dans un lieu de stockage particulier, mais émergeraient de la combinaison particulière de traces mnésiques. Actuellement, les modélisations théoriques se rapprochent de plus en plus de cette conception unitaire.