1.3. Synthèse

Pour les chercheurs postulant l’existence d’une mémoire sémantique, cette dernière est vue comme un système modulaire et autonome par rapport à la mémoire épisodique et aux systèmes liés à la perception ou à l’action. Ainsi, le système conceptuel serait un système indépendant qui ne partage pas de représentations ou de mécanismes avec les autres systèmes cérébraux.

De plus, les représentations en mémoire sémantique sont amodales, ce qui diffère des représentations multimodales évoquées dans les modèles de mémoire-système unique. Les représentations en mémoire sémantique sont supposées être des redescriptions ou des transductions des représentations multimodales en une nouvelle représentation propositionnelle qui est amodale. Ainsi, ces représentations sont des symboles amodaux arbitraires.

Ces chercheurs postulent aussi que les représentations en mémoire sémantique sont décontextualisées. La représentation d'une catégorie peut être un prototype ou une définition qui distille des propriétés relativement invariables à travers les exemplaires. La représentation de « chat » sera un prototype décontextualisé incluant, « griffe », « moustache », « queue » comme propriétés caractéristiques, les situations d’arrière-plan étant filtrées. Les représentations des catégories en mémoire sémantique ressemblent ainsi aux descriptions encyclopédiques dans une base de données des connaissances catégorielles sur le monde.

Enfin, les représentations en mémoire sémantique sont généralement considérées comme stables. Pour une catégorie donnée, différentes personnes partagent à peu près les mêmes connaissances et la même personne utilise la même connaissance dans différentes occasions. Selon la vision amodale des représentations mnésiques, une représentation conceptuelle n’est pas un pattern d’activation neuronale. En effet, l’activation neuronale qui est générée pendant la perception n’a rien de commun avec les représentations conceptuelles. De plus, cette approche théorique des représentations postule que les représentations utilisent le même format général pour représenter les propriétés issues de différentes modalités. Ainsi, cette façon d’envisager la mémoire ne prédit pas que le système modalité-spécifique va devenir actif pendant des processus conceptuels, ni que différents patterns liés à une modalité vont émerger de catégories ayant un contenu sensoriel varié.

En revanche et à l’opposé de cette conception, ceux qui prônent une mémoire système unique avec des représentations modales postulent que, pendant la représentation conceptuelle d’une catégorie, le système neuronal perceptuel devient actif comme si le membre de la catégorie était présent. En conceptualisant [chat], par exemple, le système visuel va devenir partiellement actif comme si le chat était présent. De la même façon, le système auditif va reconstruire l’état associé à l’écoute d’un chat, le système moteur va reconstruire l’état associé à « caresser un chat » et le système limbique va reconstruire l’état émotionnel associé à « apprécier l’expérience d’un chat ».

Ainsi, selon les théories « système unique » et notamment le modèle de Versace, Nevers et Padovan (2002), les connaissances émergent de la réactivation d’états sensoriels. Aussi les constituants fondamentaux d’une trace sont sensoriels, moteurs et émotionnels.

L’objectif de cette thèse est d’apporter des arguments en faveur de cette conception de la mémoire à travers un ensemble d’expérience mettant en évidence l’aspect multimodal des connaissances.

Le chapitre suivant va s’efforcer de montrer en quoi certains travaux vont déjà dans le sens de ce modèle. En effet, même si la théorie multi-systèmes semble encore être la plus répandue, de nombreux chercheurs s’intéressent désormais à une conception unitaire de la mémoire. Aussi, de nombreux arguments expérimentaux issus de travaux récents semblent étayer l’hypothèse de traces épisodiques, multidimensionnelles et distribuées.