Perception et imagerie motrice

Sheppard et Feng (1972) ont présenté à des sujets des images de cubes en papier dépliés. Sur deux des faces des cubes étaient dessinés des segments (cf. Figure suivante). Il était demandé aux sujets d’indiquer le plus rapidement possible si les segments se toucheraient une fois le cube reformé.

Figure 12 : Exemple de stimuli utilisés dans l’expérience de pliage (Sheppard et Feng 1972)
Figure 12 : Exemple de stimuli utilisés dans l’expérience de pliage (Sheppard et Feng 1972)

Les résultats montrent un accroissement du temps de réponse avec l’augmentation du nombre de pliages nécessaires pour reformer mentalement les cubes ; comme si les participants réalisaient chacune des étapes en imagerie. Ainsi, l’imagerie est automatique et est fortement liée à la perception.

Toujours en ce qui concerne la composante motrice des connaissances, Gentilucci et al. (2000) ont montré dans une expérience de jugement de latéralité que les représentations motrices sont activées automatiquement. En effet, il était présenté au sujet des photographies de mains tenant une sphère, cette dernière pouvant être petite, moyenne ou grande. La tâche du sujet était de déterminer si la main tenant la sphère était une main droite ou une main gauche.

Figure 13 : Stimuli utilisés dans l'expérience de Gentilucci (2000)
Figure 13 : Stimuli utilisés dans l'expérience de Gentilucci (2000)

Les résultats montrent que les temps de réponse des participants sont d’autant plus longs que le geste de préhension correspondant à l’image demande de la précision. Ainsi, une main tenant une petite sphère (impliquant uniquement le pouce et l’index) sera reconnue moins rapidement qu’une main tenant une grande sphère car le geste impliqué dans ce cas implique tous les doigts de la main.

Frak, Paulignan et Jeannerod (2001) ont montré que le temps nécessaire à un sujet pour s’imaginer une action (par exemple, attraper un verre en différents points selon les consignes et le vider de son eau) était sensiblement le même que le temps nécessaire à sa réalisation physique.

Wohlschläger et Wohlschläger (1998) ont montré que lorsque les participants réalisent une rotation mentale d’un objet en 3D, leurs performances sont plus faibles si la réponse à donner nécessite une action motrice rotative allant dans la direction opposée à la rotation mentale réalisée.

Les travaux de Van den Bergh, Vrana et Eelen (1990) avaient pour objectif de démontrer l’importance de la composante motrice des représentations. La tâche consistait à présenter deux couples de lettres (par exemple WX et ZO) et les sujets devaient indiquer quel couple ils préféraient. Les sujets dactylos choisissaient préférentiellement le couple formé des lettres tapées par différents doigts, car il est plus facile de les coordonner. Pour les sujets non-dactylos, aucune préférence n’est apparue. Les auteurs ont supposé que les participants dactylos ont activé automatiquement les composantes motrices associées à la combinaison des deux lettres, évaluant alors négativement les combinaisons qui étaient difficilement coordonnables (lettres tapées avec le même doigt par exemple).

Ainsi, les travaux sur l’imagerie motrice confirment l’idée que nos représentations mentales s’appuient sur des propriétés motrices pour exécuter mentalement des actions. L’imagerie mentale et la perception sont étroitement liées, les images mentales semblent être similaires aux images réellement perçues en présence de l’objet.