2.2. Des connaissances sensorielles et motrices : données issues des neurosciences

2.2.1. Connaissances sensorielles

Grâce à une étude utilisant la technique d’IRMf, Kraut et al. (2002) a montré que, contrairement à ce qui a été postulé par certains chercheurs, les connaissances ne seraient pas organisées en catégories mais en fonction des traits qui les caractérisent. En effet, dans une expérience où les participants devaient dire si, oui ou non, deux mots appartenaient à la même catégorie (animaux, outils ou fruits), les résultats ont montré que l’activation des régions cérébrales ne se fait pas sur la base d’une communauté de catégories mais sur la base d’une communauté de traits et notamment de manipulabilité des objets. Ainsi les traits constituent une importante structure organisatrice des connaissances.

L’objectif de Kan et al. (2003) a été de montrer que les régions corticales visuelles sont impliquées pendant des traitements sémantiques même s’il n’y a pas de consigne d’imagerie. La tâche du participant était de vérifier une propriété avec deux conditions : paires associées (comme dans les travaux de Solomon, 2004) et paires non associées (comme celles de Kosslyn, 1978). Ainsi, les auteurs ont mis en place trois sortes d’essais : vrais, faux associés comme « canari-chante » (car la propriété n’est pas une partie du concept mais les deux sont associés) et faux non associés comme « canari-vin ». Les résultats montrent que la récupération de connaissances sémantiques, en l’absence de consigne d’imagerie, active des régions du cortex visuel. Cette activation pendant des processus sémantiques étaye l’idée de connaissances conceptuelles qui émergent du système perceptif.

Simmons, Martin et Barsalou (2000) se sont intéressés à une catégorie particulière, les aliments ainsi qu’à une modalité peu étudiée, le goût. Ils ont montré, dans une étude en IRMf que, quand les participants voient une image d’aliment, les aires impliquées dans les traitements gustatifs sont activées. Ainsi, ces aires ne sont pas seulement actives lorsqu’on goûte un aliment mais aussi quand on regarde une image d’aliments. Ces observations vont dans le sens de connaissances multimodales.

Toujours en utilisant la technique d’IRMf, Simmons, Pecher, Hamann, Zeelenberg et Barsalou (2003) montrent que les connaissances émergent d’un système multimodal. En effet, les participants doivent réaliser une tâche de vérification de propriétés sans avoir de consigne d’imagerie. Cette tâche de vérification est réalisée pour chacune des six modalités (pierre précieuse-scintillement pour la vision ; mixeur-bruyant pour l’audition ; robinet-tourner pour l’aspect moteur ; marbre-frais pour le toucher ; concombre-doux pour le goût ; savon-parfumé pour l’odorat). Comparativement à une condition de base (décision lexicale), les résultats ont montré pour chacune des modalités une activation significative des aires neuronales respectives. Il est à noter aussi que les activations ne reflètent pas uniquement la propriété traitée ; en effet, dans les essais de vérification visuelle, il n’y a pas uniquement les aires visuelles qui ont été activées. Ces résultats mettent en évidence une activation multimodale comme le postule le modèle-contexte de notre étude.

Dans une expérience de Wheeler, Petersen et Buckner (2000), les participants apprenaient un ensemble d’images et de sons puis, ils devaient réaliser une tâche de rappel. Les résultats ont montré que pendant la tâche de rappel, les régions auditives et visuelles du cortex sont activées différemment selon la modalité de l’item rappelé (visuel ou auditif). Ainsi, le fait de rappeler des informations réactive les mêmes régions sensorielles activées pendant la perception de ces items.

Ainsi, un certain nombre d’études dans le domaine des neurosciences confirment ce que les études comportementales présentées auparavant semblaient montrer, c’est-à-dire que les connaissances sont principalement définies à partir de composants sensoriels. En effet, lors de tâches dites sémantiques, les chercheurs ont observé des activations des aires sensorielles et ceci sans consigne d’imagerie. Les travaux présentés dans la section suivante ont permis de montrer, qu’en plus de l’activation des traits sensoriels, les traits moteurs, eux aussi, sont constitutifs des traces stockées en mémoire et sont activés lors de traitements plus conceptuels.