Activation du cortex premoteur et des organes effecteurs dans la compréhension (lecture ou écoute passive) de phrases, mots ou lettres

Martin, Haxby, Lalonde, Wiggs et Ungerleider (1995), dans une étude de type TEP, ont utilisé une tâche de génération de mots désignant soit des couleurs, soit des actions. Les résultats montrent que la génération de mots de couleur active des zones cérébrales impliquées dans la perception des couleurs, alors que générer un mot désignant une action implique des zones relatives à la perception des mouvements. De la même manière, Ungerleider (1995), avec la même tâche de génération, observe une implication de la région ventrale du cortex temporal pour la génération de noms de couleurs et de la région dorsale du médian temporal pour les actions.

Tyler, Stamatakis, Dick, Bright, Fletcher, et Moss (2003) ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pour examiner les activations neuronales associées à des traitements de noms d’objets et de verbes se référant aux actions potentiellement réalisables sur ces objets. Les résultats montrent que les noms d’objets et les actions qui leur sont associées activent les mêmes régions neuronales. Toujours en utilisant la technique d’IRMf, Hauk et al. (2004) ont confirmé le fait que le pattern des activations corticales obtenu en réponse à un mot d’action reflète la représentation corticale de l’action à laquelle le mot se réfère. En effet, dans une tâche de lecture passive, ils ont présenté aux participants des mots d’action faisant référence au visage, aux bras ou aux jambes (par exemple : lick, pick ou kick pour lécher, gratter, donner un coup de pied). Dans cette condition de lecture passive, la présentation de ces items a activé des aires qui sont adjacentes ou qui chevauchent les aires normalement activées par un mouvement de la langue, des doigts ou des pieds. Ainsi, le sens d’un mot d’action est corrélé à l’activation du cortex moteur et prémoteur.

Buccino et al. (2005, in press) ont enregistré les potentiels évoqués moteurs des muscles des mains et des pieds pendant que les participants entendaient des phrases décrivant ou non des actions réalisées par les mains ou les pieds. Les résultats montrent qu’il y a clairement une modulation de l’activité du système moteur pendant l’écoute de phrases exprimant des mouvements de mains ou de pieds. Cette modulation est spécifique aux effecteurs impliqués dans l’action écoutée. En effet, écouter une phrase contenant une action de la main induit une diminution de l’amplitude des MPEG enregistrés des muscles de la main. Les données comportementales issues de cette expérience montrent que les temps de réaction sont plus lents quand les participants répondent avec le même effecteur que celui impliqué dans l’action entendue. Dans une expérience complémentaire de celles de Buccino et al., Tettamanti et al. (2005), en IRMf, ont montré qu’écouter des phrases exprimant des actions exécutées avec la bouche, la main, ou le pied produisait des activations de différents secteurs du cortex prémoteur dépendant de l’effecteur utilisé dans la phrase.

En ce qui concerne le traitement des lettres, Longcamp, Anton, Roth, et Velay (2003), ont montré, en IRMf, que le cortex prémoteur gauche était activé quand des caractères alphabétiques étaient observés passivement par des droitiers (les régions activées étant les mêmes que celle impliquées dans l’écriture). Ceci suggère que percevoir des lettres active automatiquement les mouvements d’écriture.Dans une expérience complémentaire, destinée à confirmer les résultats précédents, Longcamp et al. ont testé des participants gauchers. L’hypothèse était que si les conclusions précédentes étaient correctes, la perception de lettres chez les gauchers devrait activer les aires motrices codant les mouvements pour les gauchers (donc dans l’hémisphère droit). La tâche des participants était de regarder attentivement des lettres. Les résultats ont révélé une activation d’aires dans l’hémisphère droit symétriques à celles activées chez les droitiers. Ainsi, la perception visuelle de lettres active automatiquement les mêmes aires motrices que celles activées lorsque les participants écrivent ces lettres (voir aussi James et Gauthier, 2006).

Ainsi, l’ensemble des travaux présentés démontre une activation du cortex prémoteur quand on manipule un objet (Matsumura et al., 1996), quand on s’imagine prendre un objet (Decety et al., 1994 ; Grafton et al., 1996), quand on génère silencieusement des mots d’actions avec ou sur des objets (Martin et al., 1995), quand on regarde des outils (Grafton et al., 1997) ou des lettres (Van den Bergh et al., 1990 ; James et Gauthier, 2006 ; Longcamp et al,. 2003). De plus, il est possible d’observer des effets d’amorçage facilitateurs basés sur les propriétés motrices des objets (Craighero et al., 1999).

Précisons que d’autres études réalisées sur les animaux apportent de nouveaux arguments en faveur de connaissances sensorielles et motrices notamment celle de Gil da costa et al. (2004) qui ont étudié l’hypothèse d’un réseau distribué chez les macaques. Leur étude montre en effet qu’à l’écoute d’un son, les macaques activent automatiquement tous les éléments sensoriels et émotionnels associés à la situation liée au son.