2.4. Synthèse

Tous les travaux présentés dans ce chapitre, qu’ils soient issus de la psychologie, des neurosciences cognitives ou de la neuropsychologie, aboutissent à la conclusion suivante : les connaissances sont multimodales.

Les données comportementales (issues de la psychologie cognitive) ont notamment montré que les résultats obtenus dans des tâches telle que la vérification de propriétés ne peuvent s’expliquer par une vision amodale des connaissances. Il semble en effet que, face à un stimulus, le participant simule la présence de ce dernier afin de réaliser la tâche demandée. Ainsi, les connaissances sensorielles et motrices d’un stimulus seraient activées de façon automatique et ceci sans consigne explicite d’imagerie. Cette activation influence les traitements ultérieurs que le participant doit à réaliser.

Les données issues des neurosciences et de la neuropsychologie ont montré que les connaissances conceptuelles et la perception sont sous-tendues par les mêmes mécanismes neuronaux. En effet, de nombreux résultats indiquent que, face à un stimulus tel un mot désignant un objet, les aires sensorielles et motrices associées à la perception et la préhension de cet objet sont activées automatiquement, sans que la tâche demandée au sujet ne le nécessite.

Aussi, comme l’a avancé Slotnik (2004), il pourrait être conclu que la mémoire et la perception (visuelle) impliquent les mêmes substrats neuronaux et que les connaissances émergeraient de l’activation des systèmes neuronaux associés aux mécanismes perceptivo moteurs. Cette activation permettrait la récupération des traits et composantes de la trace mnésique afin qu’émerge un ensemble cohérent.

En dépit de cette abondance d’arguments, l’hypothèse selon laquelle les dimensions sensorielles et motrices sont les principales dimensions constitutives de la trace mnésique, doit encore être validée par de nouvelles données afin d’une part de démontrer le caractère prépondérant de ces dimensions et d’autre part d’écarter toute hypothèse alternative pouvant éventuellement expliquer certains des résultats.

Dans cette thèse, nous nous intéresserons plus particulièrement aux points suivants :

La majorité des travaux relatifs à notre problématique s’intéresse à la dimension visuelle des connaissances. Les travaux qui s’intéressent à une autre modalité sensorielle ou à deux modalités (avec un paradigme intermodal) sont très rares. L’un des objectifs du présent travail de thèse est donc de montrer l’importance des dimensions sensorielles non visuelles à partir de paradigmes d’amorçage à court terme visuel-moteur et auditif-visuel : nous montrerons que la confrontation à un objet active automatiquement les composants sensoriels en lien avec la modalité d’apparition de l’objet, mais aussi que cette activation se propage vers les autres composants sensori-moteurs associés à l’objet en mémoire. Ces activations peuvent ainsi faciliter le traitement de ce même objet présenté dans une autre modalité sensorielle ou un traitement impliquant une des dimensions activées sans forcément impliquer le même objet.

La majorité des travaux relatifs à l’étude des dimensions sensorielles et motrices utilise un paradigme d’amorçage à court terme et montre que les dimensions sensorielles et motrices sont activées très rapidement. L’originalité de ce travail de thèse sera donc d’utiliser un paradigme à long terme pour tenter de confirmer les résultats déjà obtenus en court terme mais aussi de montrer que les dimensions sensorielles et motrices sont des composants constitutifs de la trace mnésique.

La majorité des travaux comportementaux relatifs à notre problématique montre qu’il y a une activation automatique des dimensions sensorielles et motrices lorsqu’on perçoit un objet ou lorsqu’on l’imagine. Cependant, rien dans ces travaux ne permet véritablement d’affirmer que ces activations sont purement perceptives. En effet, ces traits sensoriels pourraient être activés à partir d’activation sémantique. Le troisième objectif de ce travail de thèse sera donc de démontrer le caractère véritablement perceptuel de ces activations en introduisant dans les expériences d’amorçage des interférences perceptives. Si une interférence perceptive supprime l’amorçage, alors ceci validera l’origine perceptuelle de cet amorçage.