3.4. Hypothèses générales et Protocoles expérimentaux

Le modèle de Versace, Nevers et Padovan (2002) suppose que la mémoire est un système unique et que les connaissances émergent de la réactivaton de traces multidimensionnelles, épisodiques et distribuées. Distribuées puisque les traces mnésiques stockées ne sont pas localisées ni indépendantes les unes des autres, mais distribuées sur un ensemble de composants. Ce serait l’ensemble du cerveau qui serait mis en jeu dans la constitution, le stockage et la récupération des connaissances. Multidimensionnelles car chacun de ces modules code de manière distribuée les différentes composantes, ou dimensions, associées à chaque trace. Ces dimensions sont essentiellement sensorielles, motrices et émotionnelles. Enfin, les traces sont épisodiques puisque les traits codés au niveau de chacune des dimensions dépendent de nos expériences passées.

Suivant cette description, les auteurs prédisent que la présentation d’un stimulus va engendrer très rapidement l’activation de nombreuses activations sensorielles, motrices et émotionnelles. Ainsi, face à l’image d’une voiture, par exemple, l’individu va activer de façon automatique toutes les dimensions sensorielles associées à cet objet, tout d’abord en intrasensoriel (ici visuel) puis en intersensoriel (son bruit, son odeur, etc.). Ces activations vont continuer à se propager et ce sont les dimensions motrices et émotionnelles qui vont être activées. Toutes ces activations vont subir un processus d’intégration nécessaire à l’émergence d’une connaissance cohérente et unifiée.

Pour apporter de nouveaux arguments en faveur de ce modèle et de ses prédictions, ce travail de thèse s’articule autour des trois objectifs suivants :

Le premier objectif est d’étudier les toutes premières activationsengendrées par un stimulus multimodal et de démontrer que ces premières activations concernent avant tout des dimensions sensori-motrices.

Les travaux présentés dans le chapitre 2 apportent des arguments en faveur d’une conception multimodale des connaissances. En effet, que ce soit en psychologie cognitive, en neurosciences ou en neuropsychologie, les études montrent l’importance des dimensions sensorielles et motrices. Il apparaît que, face à un objet ou lorsqu’on l’imagine, ces dimensions sont activées de manière automatique.

Nous voulons confirmer ces premiers résultats mais aussi montrer que ceci est vrai en utilisant un paradigme intersensoriel auditif-visuel. En effet, comme nous l’avons vu, très peu de travaux se sont penchés sur les modalités autre que visuelle et sur les paradigmes intermodaux.

Par ailleurs, ces études ont certes montré une activation des dimensions sensorielles et motrices mais rien dans ces travaux ne permet de conclure à la nature purement perceptuelle de ces activations. Aussi, nous nous attacherons à montrer que ces activations sont bien perceptuelles en testant l’effet d’une interférence perceptive.

  • Deuxième objectif : Des dimensions sensorielles et motrices intégrées

Après l’étude des premières activations précoces, l’objectif principal de cette thèse est de mettre en évidence l’intégration multimodale des dimensions et donc de répondre aux questions suivantes : quand l’intégration intervient-elle, quelles sont les conditions nécessaires à sa mise en place ?

Nous avons vu que certains auteurs ont montré une intégration des composantes très précoce (dès 40 msec, Giard et Peronnet (1999) notamment). Cependant, nous ne pensons pas que ces phénomènes soient réellement des intégrations mais plutôt des interactions précoces comme le suggèrent par exemple les travaux de Falchier et al. (2002). Notre objectif est ainsi de montrer que les processus d’intégration ne sont pas si précoces et n’interviendraient pas avant 100 msec.

  • Troisième objectif : Des dimensions sensorielles et motrices intégrées constitutives de la trace

Enfin,en étudiant l’impact à long terme des activations précoces et de l’intégration multimodale, le troisième objectif de cette thèse est de déterminer la nature des traces mnésiques conservées à long terme.

De plus en plus de chercheurs s’intéressent aux activations multimodales générées par la présentation d’un stimulus. Nous allons, nous aussi, nous y intéresser dans un premier temps. Mais, dans un second temps, l’originalité de nos travaux sera de s’intéresser à l’impact de ces activations précoces à long terme. En effet, les études actuelles se sont penchées sur les activations précoces et ont montré que ces activations étaient sensorielles et motrices mais aucune n’a étudié l’impact de ces activations sur le long terme et leur possible influence sur des traitements ultérieurs.