2.4. Synthèse de l’amorçage à court terme moteur

Notre première expérience nous a permis de montrer que dans une tâche de dénombrement de croix, les sujets avaient tendance à être plus rapides lorsque l’image-amorce était un objet impliquant une main. Résultat plus intéressant, l’analyse des temps médians a révélé que les sujets étaient plus rapides pour répondre de la main droite que de la main gauche lorsque l’image-amorce était un objet impliquant la main droite pour son utilisation. Ainsi, il semblait bien aux vues de ces premiers résultats que la présentation d’une image-amorce pouvait pré-activer des dimensions motrices susceptibles de faciliter le geste de la réponse. La faiblesse des effets obtenus pouvait être imputée à la faible correspondance entre le geste pré-activée par l’image et le geste exigé par la tâche ; aussi, une seconde expérience fut mise en place avec une tâche nécessitant un mouvement plus complexe que celui des deux index. Cette seconde expérience même si elle n’a pas révélé d’effet significatif dans l’analyse des latences, a montré qu’en terme de bonnes réponses, les participants étaient meilleurs quand ils répondaient de la main droite que de la main gauche.

Ainsi, ces deux premières expériences vont dans le sens de l’existence d’un amorçage à court terme moteur. Cependant, les effets observés sont faibles ; il semble difficile de mettre en évidence un amorçage à court terme moteur avec ce type de paradigme.

Aussi, nous avons mis en place une troisième expérience avec un paradigme tout autre : ce n’est plus le mouvement pour exécuter la tâche qui était amorcé mais c’est la similarité entre les composants de la cible et de l’amorce qui était manipulée. Cette troisième expérience, ainsi que celle qui a suivi, a mis en évidence non seulement l’existence d’un amorçage à court terme moteur mais a également permis de mieux comprendre les mécanismes d’activation et d’intégration des différents composants. Les deux figures suivantes ( et ) permettent d’illustrer ces deux mécanismes.

Figure 56 : Représentation des temps moyens des réponses à la tâche de catégorisation de l’expérience 3 selon les facteurs « Geste » et « Catégorie »
Figure 56 : Représentation des temps moyens des réponses à la tâche de catégorisation de l’expérience 3 selon les facteurs « Geste » et « Catégorie »
Figure 57 : Représentation des temps moyens des réponses à la tâche de catégorisation de l’expérience 4 selon les facteurs « Geste » et « Catégorie »
Figure 57 : Représentation des temps moyens des réponses à la tâche de catégorisation de l’expérience 4 selon les facteurs « Geste » et « Catégorie »

Cette troisième expérience confirme donc l’effet d’amorçage moteur quelle que soit la catégorie des couples. Avec un temps de présentation de l’amorce très bref, nous avons vu que chaque dimension apparaît et est traitée de façon indépendante. À 100 msec, l’intégration qui explique l’interaction « Geste*Catégorie » dans l’expérience 4 n’a pas encore eu lieue. De ce fait, grâce à cette activation indépendante de la dimension motrice, nous avons pu observer un effet facilitateur de l’amorçage moteur même si les catégories étaient différentes. Lorsque les gestes impliqués par l’amorce et la cible sont différents, et qu’elles appartiennent à la même catégorie, l’amorçage obtenu dans l’expérience 3 provient des autres dimensions partagées par l’amorce et la cible.

Ainsi, dans l’expérience 4, nous avons pu mettre en évidence un effet du facteur « Geste » ainsi qu’une interaction « Geste*Catégorie ». En fonction du geste impliqué par l’amorce, les performances des sujets sont donc différentes. Nous avons fait l’hypothèse que, dès la présentation de l’amorce, un ensemble de composants (appartenant à des dimensions différentes) va être activé ; ces composants, du fait de l’amorçage, vont faciliter le traitement de la cible lorsqu’elle-même a des composants similaires à ceux de l’amorce (appartient à la même catégorie que l’amorce). Lorsque l’amorce et la cible appartiennent à la même catégorie, mais qu’elles impliquent un geste différent, les réponses sont très ralenties. Ce ralentissement semble montrer que les dimensions activées par l’amorce ont été intégrées.

Au terme de cette série d’expériences sur l’amorçage à court terme moteur, les résultats obtenus valident les hypothèses que nous avions avancées. L’amorçage issu des composantes motrices permet d’influencer la catégorisation des images ; plus généralement, les composantes motrices font partie d’un ensemble de composants appartenant à des dimensions variées, nécessaires à la récupération de connaissances mnésiques. Ces composants peuvent interagir entre eux par intégration pour permettre l’émergence d’une information mnésique, ou agir indépendamment les uns des autres mais de façon précoce.