3.3— Conclusion

La complexification sémantique du mot folie s'est faite apparemment d'une manière douce et naturelle et l'on peut s'interroger sur la complexification sémantique relativement brutale et presque artificielle du mot déraison dont la structure se trouve calquée sur celle de folie comme on l'a vu avec trois sèmes principaux : [folie neutre], [conduite folle à connotation négative], [conduite folle à connotation positive] — [déraison : maladie neutre], [conduite déraisonnable à connotation négative], [conduite déraisonnable à connotation positive]. Comme s'il devait s'agir de supplanter un mot par un autre dans la langue sur fond de retour de vieux démons : le mot folie complexe sémantiquement et peu recommandable à partir du XVIIe siècle avec l'enfermement de la folie, par le mot déraison beaucoup plus simple sémantiquement et au statut plus convenable socialement avec l'avènement de la raison. Cependant le mot folie semble un mot vivant se développant en dehors de tout schéma et de toute contrainte académique. Ce qui n'est sans doute pas le cas de déraison qui semble soumis à ces mêmes influences académiques.

Cependant cette analyse diachronique de folie et déraison est à replacer avant tout dans le cadre d'une recherche plus large concernant l'étude sémasiologique des mots folie et déraison ainsi que de l'étude onomasiologique de la notion englobant les deux lexies. Partant d'une analyse structurale fondée sur les dictionnaires contemporains, nous nous proposerons d'appliquer le système cohérent de relations sémantiques, mis en place au XXe siècle, au XVIIe siècle afin d'observer les changements tant au niveau de l'actualisation des lexies pour l'analyse onomasiologique, qu'au niveau de l'actualisation des sémèmes pour l'analyse sémasiologique. Et ceci sans préjuger d'un changement radical de la structure sémantique générale elle-même qui reste invariante comme nous venons de le montrer pour folie et déraison.