5.1.1.2— Une règle et un axiome

En théorie le changement de point de vue peut se faire indifféremment dans les deux sens : de l'onomasiologie à la sémasiologie et vice-versa. Cependant comme on a déjà pu le dire il est plus intéressant d'adopter un ordre allant de la démarche onomasiologique vers la démarche sémasiologique.

En effet si l'on pose comme règle que la structure sémantique sémasiologique à Sa unique commun à un ensemble de lexèmes constituant le champ doit aussi pouvoir accueillir tous les parasynonymes de ces lexèmes alors l'ordre qui est de commencer par la démarche onomasiologique structurant un ensemble de Sa différents à partir d'un Sé unique commun puis de poursuivre par la démarche sémasiologique structurant un ensemble de Sé différents à partir d'un Sa unique commun, s'impose comme étant le plus logique.

En d'autres termes il est plus productif pour l'analyse d'un mot polysémique de commencer par faire une analyse onomasiologique de la notion à laquelle il appartient avant de faire, par un changement de point de vue vers l'analyse sémasiologique, son analyse propre. Ainsi si l'on peut poser comme axiome que la structuration du champ sémantique d'un mot polysémique procède de la structuration du champ sémantique complet auquel il appartient avec ses parasynonymes, il s'ensuit que l'analyse onomasiologique doit précéder l'analyse sémasiologique et que la seconde ne saurait se passer de la première.

L'on peut rapprocher cet aspect de la notion de modification de la « structure conceptuelle » dont parle Jacqueline Picoche à propos de son travail sur les Chroniques de Froissart : « Il nous a semblé, souligne la linguiste, que d'une façon générale le renouvellement des signifiants est plus rapide que celui des signifiés, mais que pourtant sur certains points, on touche à une différence réelle dans les structures conceptuelles. » Et plus loin : « Dans l'ensemble, les études d'histoire du vocabulaire ont été conçues jusqu'ici comme l'histoire de mots isolés plutôt que comme celle de champs lexicaux à plusieurs signifiants. Il y a là un terrain immense et presque vierge à défricher. » 244

On voit pointé ici l'intérêt de partir d'un champ lexical étendu et de donner une idée de sa « structure conceptuelle » notamment dans le temps afin de pouvoir étudier ensuite plus complètement l'évolution d'un ou plusieurs mots à l'intérieur de ce champ. C'est là que réside l'avantage de commencer une étude lexicale par une démarche onomasiologique — centrée sur un concept — pour ensuite aller vers l'étude du mot, plutôt que par une démarche sémasiologique — centrée sur le mot. Ainsi l'on peut répéter que pour faire l'analyse sémasiologique d'un mot il convient d'abord de faire une analyse onomasiologique de la notion à laquelle il appartient.

Notes
244.

Picoche, 1977, p. 110-111.