1.2.4— Lecture des arbres onomasiologique et sémasiologique

Dans la représentation en arbre de la folie et de la déraison, aussi bien en onomasiologie qu’en sémasiologie, les mots ou les sémèmes de la déraison sont au centre — lexèmes ou sémèmes de la classe sémantique //point de vue social et connotation péjorative// — alors que les mots ou les sémèmes de la folie occupent la périphérie — lexèmes ou sémèmes des classes //point de vue médical et connotation neutre// et //point de vue social et connotation positive//.

Pour avancer cela nous sommes partis de l'usage qui est fait par Michel Foucault du mot folie et du mot déraison dans l’Histoire de la folie 502 , usage qui semble correspondre à une évolution de la situation de la folie au début du XVIIe siècle. Ainsi l’auteur utilise, avant cette période, couramment le mot folie pour parler de cette « liberté imaginaire qui la [la folie] fait foisonner sur le ciel de la Renaissance », renvoyant aussi bien la folie à la maladie et à la classe sémantique //point de vue médical et connotation neutre// qu’à l’imaginaire foisonnant et à la classe sémantique //point de vue social et connotation positive//. Cependant ensuite, en ce début de XVIIe siècle et en moins de cinquante ans, la folie se trouve « recluse, et, dans la forteresse de l’internement, liée à la raison, aux règles morales et à leurs nuits monotones. » C’est à partir de là que Michel Foucault n’utilisera plus dans son Histoire que le terme déraison, d’une manière abusive puisque ce terme n’est pas attesté dans les dictionnaires de la fin du XVIIe siècle. En effet une « histoire de la déraison » commence qui intègre la folie différemment, l’internement ayant été un « événement décisif : le moment où la folie est perçue sur l’horizon social de la pauvreté, de l’incapacité du travail, de l’impossibilité de s’intégrer au groupe ; le moment où elle commence à former texte avec les problèmes de la cité. », renvoyant alors la déraison à la classe sémantique //point de vue social et connotation péjorative//.

En onomasiologie nous traiterons différemment les mots de la folie et de la déraison pour des raisons pratiques. Pour les mots de la folie nous examinerons toutes les occurrences du texte de Corneille en citant, outre les pièces, les dictionnaires 503 . Pour les mots de la déraison nous procéderons de la même manière en ce qui concerne les niveaux SI et SII des axes sémantiques ; cependant pour le niveau SIII nous ne traiterons que les occurrences, quelque soit leur nombre, renvoyant à un ensemble de termes distincts dont le nombre est supérieur à cinq sous un même trait sémantique ou les occurrences d’un nombre supérieur à cinq renvoyant à un terme unique. En sémasiologie nous traiterons indifféremment les sémèmes de la folie et de la déraison en examinant toutes les occurrences du texte de Corneille.

Nous présenterons séparément les lexèmes ou les sémèmes actualisés dans plus de cinq occurrences et ensemble ceux actualisés dans moins de cinq occurrences. Ainsi les premiers seront détaillés et classés par leur entrée lexicale ou sémèmique et les seconds par le trait sémantique qui les distingue. Dans le premier cas c’est le lexème ou le sémème qui ressort et dans le second cas le sème ; c’est aussi de cette façon que peut se faire globalement la lecture d’un texte, soit par mot ou soit par sème, avec une appréhension d’un côté des lexèmes ou des sémèmes qui reviennent souvent et d’un autre celle des sèmes qui reviennent également souvent, plus souvent que les lexèmes ou les sémèmes qui leur sont attachés.

Nous avons choisi en onomasiologie et en sémasiologie une lecture verticale des arbres à partir de la définition de trois grandes classes sémantiques : //point de vue médical et connotation neutre// et //point de vue social et connotation positive// pour la folie, et //point de vue social et connotation négative// pour la déraison. Pour cette dernière classe nous définirons également deux sous-classes correspondant au //point de vue social et connotation négative par manquement à la morale// et // point de vue social et connotation négative par manquement à la raison//. Pour chaque classe ou sous-classe nous déterminerons dans l’ordre les archilexèmes ou les archisémèmes, les lexèmes ou les sémèmes génériques et les lexèmes ou les sémèmes spécifiques 504 . La lecture verticale se poursuit ensuite par branches de gauche à droite.

Notes
502.

Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, p. 90.

503.

Sauf mention contraire les citations sont tirées du Nouveau petit Robert (Rey-Debove dir., Rey dir., 1993 et 2003) qui nous a servi en langue pour la structuration du champ onomasiologique.

504.

Nous gardons les terme d’« archilexème » ou d’« archisémème » pour le représentant générique de la classe sémantique. Par contre les termes « générique » et « spécifique » peuvent être utilisés relativement à chaque niveau sémique : un lexème ou un sémème peut ainsi être le générique d’un lexème ou d’un sémème plus précis, tout en étant le spécifique d’un autre lexème ou sémème plus général.