4.1.2— Typologie de la déraison : la déraison amoureuse ou l'intériorisation des sentiments

L’intériorisation des sentiments c’est la négation d’une action à laquelle ne se livrent pas les personnages en proie à leur déraison ; par opposition, l’extériorisation des sentiments c’est la révélation d’une action à laquelle se livrent les personnages en proie à leur folie.

La déraison amoureuse qui est la première figure de la déraison concerne Rodrigue, Chimène et l’Infante. C’est une forme de la tragédie qui naît de l'intériorisation des sentiments par les personnages, ici essentiellement du sentiment amoureux. Cette intériorisation est permise par l'application stricte dans la tragédie des règles des trois unités 674 — unités de lieu, de temps et d'action — qui interviennent principalement ici pour « resserrer » la pièce et enfermer les personnages dans un discours sur eux-mêmes au détriment d'une action libératrice.

L'intériorisation des sentiments révèle en fait une crise intérieure des personnages qui fait s'opposer en eux leur devoir et leurs passions, crise qui correspond à la situation cornélienne définie par André Stegmann comme « un dilemme, dont, quel que soit le choix, le résultat est douloureux » 675 .

Le résultat final est le doute des personnages qui atteint leur raison.

Notes
674.

La règle des trois unités intervient à côté d'autres règles dans l'écriture théâtrale : la vraisemblance et le respect des bonnes mœurs. Scudéry condamnera l'utilisation faite par Corneille de ces trois règles.

675.

Stegmann, 1988, p. 222.

Voir dans cette partie, le chapitre « 1.1.2.2— Relation avec la problématique Folie et déraison ».