4.2.2.2— La folie (1, 1)

La folie est située dans les deux parties latérales de l’arbre sémasiologique de folie et ses dérivés. Elle est représentée ici dans la seule partie droite par un sémème appartenant à la classe sémantique //changement humains hors norme du point de vue social à connotation positive// du côté du [manquement à la morale par absence de contraintes et vivacité] : /fol/ (1).

Ce sémème renvoie à différents sémèmes de folie suivant les dictionnaires : /FOLIE-RIC3/ « 3. Chose plaisante, choses jolies et agréables qu'on dit. Je me suis trouvé seul avec ma maitresse dans une alcove, ou [3.1] nous avons dit mile foliës, [3.2] mais, hélas! nous n'en avons point faites. Voi. l 9. », /FOLIE-FUR3/ « 3. Signifie quelques fois, une action folastre. [3.1] On fait bien des folies en sa jeunesse. [3.2] On a dit mille folies agréables dans cette conversation. », /FOLIE-ACA4/ « 4. Se dit aussi pour signifier : Débauche de jeunesse. Divertissement. Réjouissance. Et en ce sens il s'emploie ordinairement au pluriel. [ACA4.1] Ils ont fait des folies dans leur jeunesse. », /FOLIE-LIT7/ « Écart de conduite. Folies de jeunesse. Jadis ton maître a fait mainte folie Pour des minois moins friands que le tien, Bérang., Célib. », et /FOLIE4ae’/ « 4. Une, des folies. [a]. Idée, parole, action déraisonnable, extravagante. [e'] [4.4] Folies de jeunesse. Coup (de tête), écart (de conduite), escapade, frasque, fredaine, incartade. - [4.5] Faire la folie de... (et infinitif). » :

L'Infante : (échange entre Léonor et l'Infante qui vient d'apprendre que Rodrigue et le Comte sont sortis ensemble pour se battre très certainement) « L'Infante — Hélas ! que dans l'esprit je sens d'inquiétude ! / Je pleure ses malheurs, son amant me ravit, / Mon repos m'abandonne, et ma flamme revit. / Ce qui va séparer Rodrigue de Chimène / Avecque mon espoir fait renaître ma peine, [Fait renaître à la fois mon espoir et ma peine, 1660-1682] / Et leur division que je vois à regret / Dans mon esprit charmé jette un plaisir secret. / Léonor — Cette haute vertu qui règne dans votre âme / Se rend-elle si tôt à cette lâche flamme ? / L'Infante — Ne la nomme point lâche à présent que chez moi, / Pompeuse et triomphante, elle me fait la loi. / Porte-lui du respect puisqu'elle m'est si chère ; / Ma vertu la combat [flamme], mais malgré moi j'espère, / Et d'un si fol espoir mon cœur mal défendu / Vole après un amant que Chimène à perdu. » (v. 508-22)’

La vertu de l'Infante combat son amour pour Rodrigue, amour qui [manque à la morale] car son amant n'est pas de son rang. L'on peut cependant imaginer avec elle que sa [jeunesse débordant d'énergie] est suffisante pour la faire espérer et oublier ce qu'elle est. Alors dans son esprit le [manquement à la morale] de son attitude dont la connotation était encore négative avec « Ma vertu la combat [ma flamme] » devient dans son esprit méliorative avec ce « mais » qui introduit deux groupes de termes pleins d'ardeur : « cœur mal défendu » et « vole ». Mais il ne s'agit que du point de vue de l'Infante dont le regard par [excès d’énergie : vivacité] s'affranchit de celui des autres — ici de Léonor qui la juge négativement.

Il est intéressant de comparer les attitudes de Chimène et de l'Infante qui s'adressent chacune à leur confidente pour justifier à leur façon leur amour déraisonnable. La première d'une manière négative en niant une réalité dont le spectateur ne peut être dupe et qui est en fait l'expression déguisée d'une passion refoulée : cette « folle ardeur » elle la vit réellement. La deuxième d'une manière positive en prenant le parti de laisser s'exprimer toute sa fougue amoureuse. Au bout du compte Chimène retrouvera Rodrigue étouffant avec le temps son devoir de vengeance et l'Infante le perdra s'effaçant non devant son devoir mais devant le respect de la parole donnée.