2.1. L’évolution des exigences sociales

A considérer l’origine sociale et son influence prépondérante sur la scolarité des enfants, on coupe court à toute remédiation alors inutile. On assiste à un enfermement de l’enfant dans son groupe d’origine, la ségrégation est davantage sociale que scolaire. Partant de ce constat, « la réussite scolaire se joue ailleurs qu’à l’école » 52 et celle-ci ne fait qu’accentuer une situation déjà stigmatisante.Il apparaît, avec les enseignants interrogés, que le milieu familial a une influence sur les résultats scolaires.

Pour Jean-Marie Gillig, on ne peut nier l’influence du milieu social sur la scolarité de l’enfant, même si les écarts entre les différents niveaux sociaux tendent à se réduire. En 1962, 12,3 % des élèves issus d’un milieu ouvrier obtenaient le baccalauréat, alors que 55,3 % d’enfants de cadres supérieurs réussissaient ce même examen. En 1980, respectivement 25,3 % et 74,1 % des mêmes populations étaient bacheliers 53 . Jean-Claude Barrat indique que « la pauvreté économique n’a pas forcément une incidence sur les capacités cognitives des enfants » 54 .

Le niveau culturel d’évolution est souvent rendu responsable de la difficulté d’apprentissage et de l’échec scolaire. La culture circulant conditionne donc la scolarité de l’enfant. Que penser alors de la brillante réussite de certains enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés ? L’influence du milieu familial apparaît prépondérante : on peut très bien ne pas savoir lire le français (ou même ne pas lire du tout), ne pas avoir fréquenté l’école assidûment et avoir des exigences élevées pour ses propres enfants. La confiance en l’école et ses enseignants, le discours tenu à la maison, influence également décisivement la réussite scolaire.

Pour les élèves en difficulté et issus d’un milieu socio-culturel pauvre, l’école est perçue d’un point de vue professionnalisant. Pour eux et leurs parents, il s’agit d’accéder à un bon métier, de gagner sa vie. Pour les « bons élèves », l’enjeu de la scolarité diffère : l’école est le lieu de l’appropriation de la culture en rapport avec le discours entendu à la maison et est en continuité avec la vie familiale. Les élèves en difficulté s’investissent dans ce qui leur paraît « utile » : ils attendent qu’on leur donne le savoir.  Il en résulte une grande solitude face à l’apprentissage, d’où leur besoin de la présence de l’adulte et des pairs.

Notes
52.

BRESSOUX P. 1994. « Les recherches sur les effets-écoles et les effets-maîtres », Revue française de pédagogie, 108, p. 92.

53.

GILLIG J.-M. 1998. L’aide aux enfants en difficulté à l’école, Paris, Dunod, p. 18.

54.

BARRAT J.Cl. 1990. La rééducation dans l’école, Armand Colin, Paris, pp 53-54.