2.4. L’impossible place de l’enfant

Depuis la mise au point des tests Binet-Simon (Echelle métrique de l’intelligence, 1907), les observations psychologiques des enfants sont entrées à l’école et sont pratiquées par un psychologue scolaire ⁸¹ . Ces tests mettent à jour un « quotient intellectuel (Q.I.) ». Ce rapport va permettre de situer l’élève selon une échelle et l’orienter vers une structure scolaire adaptée ou d’être maintenu dans le circuit ordinaire. Le Q.I. s’observe dans son caractère évolutif, il valide un état émotionnel et non les réelles capacités intellectuelles. Cet examen est renouvelé selon une fréquence variable. L’enfant aurait, ou n’aurait pas, les capacités pour réussir à l’école. Ainsi, la réussite scolaire peut s’expliquer par des causes génétiques

Les causes de l’échec scolaire sont analysées et comprises au travers de l’histoire de l’individu. L’anamnèse est prise en compte, les causes n’ont donc plus seulement une origine exclusivement sociale contrairement aux thèses de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, l’individu est privilégié. Il n’est plus question d’héritage social mais d’histoire personnelle et scolaire.

Les difficultés d’apprentissage, au regard de la psychanalyse, sont associées à des conflits que vit l’enfant. Ils sont d’ordre affectif, familiaux ou relationnels et sont la manifestation de relations mal vécues dans la famille, entre pairs, avec les enseignants. Ce qui entre en jeu dans les apprentissages scolaires, c’est le « réseau socio affectif de l’enfant » ⁸² .

La fréquentation précoce de l’école maternelle favorise l’adaptation à l’école élémentaire. L’enfant est mis en contact dès l’âge de deux ou trois ans avec ses pairs, des habitudes de vie en collectivité sont prises très tôt et l’élève qui arrive au cours préparatoire n’est pas surpris par les exigences de l’école. Comme la plupart des enfants fréquentent l’école maternelle, cette assiduité est gage de réussite.

Françoise Dolto évoque la place de l’enfant dans la fratrie et la peur du dépassement d’un aîné ou d’un parent comme cause de l’échec scolaire, voire d’un refus d’apprendre. L’enfant arrivant en second dans une famille, pour des raisons psychiques de développement de la personnalité n’a pas toujours la possibilité de dépasser son aîné dans les apprentissages, et ses parents dans les savoirs. La résolution de l’Œdipe n’étant pas encore faite, l’enfant ne se considère pas comme une personne individuelle : il ne peut être plus intelligent que ceux qui sont plus grands que lui. Apparaît une stagnation dans les performances scolaires, voire une régression qui entraîne des difficultés d’apprentissage puis l’échec scolaire. « C’est uniquement parce que les motivations intellectuelles de l’apprentissage sont, chez les enfants, grevées de motivations affectives, et les motivations affectives sont nécessairement intriquées à la loi de l’impossible (confondu avec l’interdit) pour le petit de prendre la place de l’adulte » ⁸³ . Poursuivons sur la résolution de l’Œdipe. L’enfant doit abandonner, en arrivant à l’école, sa position de « petit » pour devenir un être social. Ce passage ne se fait pas toujours sans mal, l’enfant doit se séparer de sa mère et il n’y est pas toujours préparé, la mère s’opposant parfois à cette séparation. L’enfant est entretenu dans une position de « bébé » et la relation de symbiose avec la mère perdure. L’un et l’autre refusant de se séparer, les difficultés d’apprentissage s’installent : « apprendre, c’est grandir » ⁸⁴ . Quoiqu’il en soit, l’entrée à l’école représente « une sortie progressive de la famille ce qui va contraindre celle-ci à se réorganiser et qui peut être une source de difficultés » ⁸⁵ . L’enfant s’empêche de penser librement, son imagination est réduite, il agit en fonction de ce que peut penser sa mère. Cet enfant est angoissé car il refuse de se projeter dans l’avenir qui est pour lui quelque chose de très incertain. En classe, face à l’adulte, il refuse l’intrusion du maître dans sa sphère de pensées maternelles. On dit de ces enfants qu’ils « refusent de grandir » et ainsi ne progressent pas dans les apprentissages des « grands » : ils se placent en position régressive. L’enfant répond aux attentes de ses parents qui ne souhaitent pas le voir grandir. Cette situation entraîne une peur de la vie future : l’arrivée au collège, rester toute la journée à l’école, rentrer plus tard le soir, sont la manifestation d’une peur de voir se restreindre le temps en famille. Ce dernier point confirme l’importance d’une entrée précoce à l’école maternelle.

Ainsi, l’intelligence et les capacités scolaires dépendent d’éléments culturels, familiaux, des valeurs du milieu social d’évolution. Le regard que les enseignants portent sur ces différents facteurs conditionne la scolarité qui est détachée de tout caractère d’innéisme.