Pierre Mannoni 90 définit le terme de « cancre » qui trouve son étymologie dans le mot latin « cancer » : crabe. Le crabe est différent des autres animaux car « il marche de travers ». Il est ainsi facile de présenter la typologie sociale du « mauvais élève » : celui qui ne réussit pas comme les autres, qui « marche de travers ». Il a sa place et sa fonction dans la classe qui est un groupe constitué avec ses règles propres. De passagère, cette position de cancre devient immuable et suit d’année en année, d’établissement en établissement, l’élève étiqueté, accompagné de son fameux livret scolaire que Pierre Mannoni compare à « un casier judiciaire » 91 . Les élèves en difficulté, ceux pour lesquels les maîtres ont moins d’attentes, ont une position dans la classe : ils sont éloignés de l’enseignant et vont être traités en temps que groupe, ils perdent leur individualité. Les interrogations orales sont plus rares et les réponses données par les élèves sont souvent critiquées par l’enseignant plutôt que « reformulées pour les améliorer » 92 . La « communauté classe » est encouragée par l’adulte à se moquer de l’enfant différent. Celui-ci réagit souvent par le rire (ce que l’on attend d’ailleurs de lui), se moquant de ses propres bêtises, défense qu’il a construite pour supporter les sarcasmes et masquer sa solitude. « La fonction sociale du cancre dans la classe est de réguler les tensions du groupe, c’est la soupape de sécurité qui garantit un bon fonctionnement » 93 .
Les concepts de difficulté d’apprentissage et d’échec scolaire restent flous. Ils sont souvent utilisés l’un et l’autre sans distinction. Si l’enfant en échec à l’école a une place et un rôle social établis, il n’en va pas de même pour l’élève en difficulté d’apprentissage pour lequel des actions sont mises en place dans et hors la classe.
MANNONI P. 1986. Des bons et des mauvais élèves, Paris, ESF.
MANNONI P. 1986. Ibid, p. 128.
BRESSOUX P. 1994. « Les recherches sur les effets-écoles et les effets-maîtres, Revue française de pédagogie, 108, p. 99.
MANNONI P. 1986. Des bons et des mauvais élèves, Paris, ESF, p. 127.