3.3. Des concepts aux contours mal définis

La difficulté d’apprentissage et l’échec scolaire sont des concepts subjectifs et laissés à l’appréciation de leurs utilisateurs. Ils sont le résultat d’une comparaison – comparaison à autrui, aux critères sociaux préétablis, aux critères d’évaluation scolaire – et d’une évaluation que l’on fait des aptitudes. C’est l’écart entre les attentes de l’école et les performances observées qui emmènent un jugement.

L’apprentissage est un acte dynamique qui fait passer la personne d’une connaissance active à une autre connaissance du monde. L’apprenant, qu’il soit enfant ou adulte, est en position de déséquilibre, les mécanismes cognitifs rétablissent une stabilité qui le remet dans une position confortable. Cette situation n’est pas la difficulté d’apprentissage, on parle d’enfant « mis en difficulté ». La relativité est de mise et la notion doit être utilisée avec prudence. L’élève est face à une situation qui lui pose problème et qu’il peut dépasser.

A l’école, lorsque l’on parle d’un enfant en position de « difficulté d’apprentissage », il s’agit d’un enfant qui éprouve plus de difficulté, prend plus de temps pour rétablir l’équilibre cognitif. Il est plus souvent en état de difficulté que de réussite, l’acte d’apprentissage est pour lui moins accessible, il a plus de mal pour passer d’un état à un autre. Il garde cependant une relation active et dynamique avec les apprentissages : il demande de l’aide, a le souci de terminer son travail, se met en situation de recherche. Son intelligence n’est pas altérée mais ses performances scolaires ne sont pas en rapport avec ses capacités réelles.

La difficulté d’apprentissage n’affecte qu’une partie de la personnalité de l’enfant, elle n’a ni la capacité ni la fonction de le mettre en déséquilibre durable et irréversible. Elle est ainsi passagère et rapidement dépassée. Ses origines doivent d’abord être recherchées dans les relations que l’enfant entretient avec les apprentissages, avec les adultes et ses pairs.

Il est possible d’observer différemment la difficulté d’apprentissage : elle est le symptôme d’un échec scolaire possible et n’est pas forcément engendrée par des facteurs extérieurs à l’école. Elle correspond à de mauvaises représentations des attentes de l’école et de son rôle. Ces images entraînent un ennui en classe. Les contraintes, notamment les règles de communication, restreignent l’enfant dans son besoin d’expression et de communication, il va avoir l’impression de ne pas être compris ; ce qui le freine dans les apprentissages qu’on lui propose. Il ne sera pas tenu compte de ses représentations mentales des apprentissages, il est nécessaire de l’aider à les modifier pour que l’équilibre se rétablisse.

L’échec scolaire n’est pas une position évolutive mais une situation finale et irréversible. Il affecte l’ensemble de la personnalité de l’enfant et a une incidence sur la construction de sa personnalité. Il l’intègre comme une orientation donnée passivement à sa vie. Une fois qu’il a atteint cette situation, il n’a plus les possibilités psychologiques d’en sortir, c’est un état inscrit dans sa personnalité.

L’échec scolaire est provoqué par des facteurs extérieurs à l’école qui en est le catalyseur. La situation scolaire révèle un trouble profond. Ces facteurs extérieurs n’ont pas permis à l’enfant de répondre aux exigences de l’école, d’acquérir les compétences de sa classe d’âge. L’échec scolaire peut être consécutif aux difficultés d’apprentissage accumulées et non résolues.

Les causes sociales de l’échec scolaire sont profondes et s’accompagnent de troubles d’ordre psychologique révélant des difficultés relationnelles avec les autres et avec soi-même. L’école et les apprentissages ne sont plus les préoccupations de l’enfant, ses centres d’intérêt se trouvant en dehors des murs de l’école qu’il déteste car n’y trouve aucune motivation positive. Si certains éléments proposés peuvent retenir son attention, il les refuse en réaction aux exigences scolaires. L’évaluation met l’accent sur ses carences qui montrent ce qui est négatif en lui. La forme actuelle de l’évaluation ne permet pas à chacun de montrer ses capacités dans d’autres domaines que ceux des « matières fondamentales ». Les possibilités de valorisation sont minimisées et souvent réduites, dans le premier degré, au français et aux mathématiques, aux capacités de déduction et d’abstraction. L’élève qui évalue négativement les bénéfices de la situation d’apprentissage, juge inutile la poursuite des efforts dans sa scolarité. De cet échec naît une conduite de vie qui dicte la destinée de la personne. Le regard social qui lui est porté, forgé par les stéréotypes de l’excellence scolaire - donc sociale -, le classe dans une catégorie socioprofessionnelle dite inférieure. L’évaluation que la personne fait de sa position le met face à un « constat d’échec ». « L’échec à l’école, c’est l’échec de la vie » : cette représentation sociale est fortement ancrée dans les mentalités occidentales et ne permet pas toujours à l’individu de trouver ailleurs les motivations qu’on ne lui fournit pas dans les murs de l’école.

Le tableau ci-après donne une synthèse des deux concepts en les comparant. L’un n’est pas forcément la conséquence de l’autre même si cela est souvent observé. Il est important de considérer ces remarques dans leur contexte scolaire même si l’échec scolaire entraîne un positionnement et une considération sociale.