3.4. Prévenir la difficulté d’apprentissage pour limiter l’échec scolaire

Différents dispositifs de prévention limitent l’apparition de la difficulté d’apprentissage. Quand il est installé plus profondément, l’échec scolaire est difficilement enrayable. Il est possible, avec les mêmes dispositifs, de réduire les aspects dévastateurs sur la personne en mettant en avant ce qu’elle sait, plutôt qu’en pointant ce qu’elle ne sait pas (ce que fait le système scolaire de par le mode d’évaluation).

Pour les élèves en difficulté, sont mis en place : les activités périscolaires, le soutien, les projets transversaux et pluridisciplinaires. Proposer une autre pédagogie dans le but de réduire l’échec scolaire et les difficultés d’apprentissage ne fait que les masquer. De louables dans leurs objectifs, ces activités dérivent en considérant l’incapacité des élèves à réussir dans les domaines fondamentaux que restent le français et les mathématiques. On observe une pédagogie axée sur le minimalisme didactique, où une place très importante est donnée à des projets d’ordres divers : sorties, spectacles, création artistique, activités sportives, stratégies socialisantes et citoyennes. Sans nier l’importance de tels projets, il est essentiel de ne pas les considérer comme réponse à tout et de haute qualité pédagogique et éducative. Les élèves continuent à apprendre en travaillant en classe à leur bureau.

Louables, les « pédagogies parallèles » évitent de se pencher sur le cœur du problème : pourquoi les élèves ne comprennent-ils pas, pourquoi l’écart se creuse-t-il entre les « bons » et les  « mauvais » élèves plus on avance dans la scolarité ? Les activités de soutien sont basées sur une reformulation de la part de l’enseignant, mais si une compétence n’est pas comprise et assimilée, il y a peu de chance que cette simple reformulation parvienne à changer la situation. Il est important de se demander pourquoi l’enfant ne comprend pas, si ce qu’on lui propose n’est pas trop éloigné de sa culture propre, de ses préoccupations, de l’enjeu qu’il met dans les apprentissages, de sa représentation de l’école, si le rythme de la classe n’est pas trop élevé.

Les courants pédagogiques de ces vingt dernières années, amènent l’enfant à s’interroger sur le monde, à agir sur lui plutôt que de se positionner en tant qu’observateur/reproducteur. Concrètement, enseigner consiste, de la maternelle à la terminale, à présenter aux élèves des situations figées, complètes, des modèles qu’ils doivent s’approprier pour les reproduire tels qu’ils les observent. Ces situations ont permis de former pendant des dizaines d’années d’excellents « reproduisants ». Nos interventions dans le milieu universitaire, notamment dans les matières scientifiques, révèlent des étudiants démunis face à des situations qui nécessitent une entrée différente de celles présentées dans les cours magistraux alors que les compétences à mobiliser sont les mêmes. Les élèves et les étudiants possèdent des compétences applicables à un ensemble limité de situations. On n’apprend pas à construire des stratégies qui permettent d’agir sur le monde en se servant des savoirs.

Impulsé par l’idéologie de la loi de 1989 94 , puis plus récemment par celle de 2005 95 , l’enseignement change quelque peu et l’on propose aux enfants des situations, et ce dès l’école maternelle, où ils s’interrogent, où le savoir n’est pas proposé comme un élément fini mais à construire. On apprend aux élèves à réfléchir sur ce qu’ils font, à prendre du recul par rapport à leurs façons de penser et à visualiser les différentes étapes leur permettant d’aboutir à un résultat. Ils apportent les modifications nécessaires à leurs processus de résolution en comprenant à quel moment et dans quelle étape leur démarche n’est pas efficace. Ils n’observent plus le monde passivement en tentant de le reproduire, mais ils apprennent à agir sur lui. Les enfants se rendent compte, grâce aux activités métacognitives, qu’apprendre est un processus.

Dans le même courant pédagogique, une approche consiste, après les avoir fait émerger, à travailler sur les représentations sociales figées que les enfants ont en arrivant à l’école, de son rôle et des apprentissages. Certains élèves possèdent une culture proche de celle de l’école, d’autres non : ceux que nous avons déjà qualifiés comme « subissant » l’école. Les enfants des classes populaires n’ont pas toujours construit la culture de l’école que les autres possèdent. Il est nécessaire de travailler avec eux sur l’acquisition de cette culture.

La lutte contre l’échec scolaire passe également par ce que Gérard Chauveau et Eliane Rogovas-Chauveau appellent « l’effet établissement et l’effet maître » 96 . L’effet établissement est une dynamique que constitue la qualité de fonctionnement de l’école. L’implication de chacun à son propre niveau, du directeur aux membres du réseau en passant par les enseignants généralistes, est essentielle. Le bien-être de l’élève amène le désir d’apprendre.

L’effet maître implique la personne et au-delà l’éthique de la profession, il s’agit des qualités professionnelles et humaines des enseignants. L’effet maître est le résultat, pour Gérard Chauveau et Eliane Rogovas-Chauveau, de la conjugaison de quatre éléments : « les compétences didactiques et pédagogiques, les compétences organisationnelles dans la menée d’une classe, les compétences relationnelles, et, enfin, l’engagement politico-pédagogique » 97 . Ces quatre éléments réunis permettent à l’enseignant de faire réussir tous les élèves quel que soit leur niveau.

Nous pouvons citer de nombreux éléments et de nombreuses stratégies permettant de lutter contre l’échec scolaire. Nous nous limitons aux plus récurrentes et à celles que nous rencontrons sur le terrain. Les enseignants font de leur mieux pour aider tous les élèves mais il est impossible de prendre en compte tous les paramètres. Il n’est pas souhaitable de multiplier les stratégies, l’école devient alors le lieu d’activités uniquement palliatives et méthodologiques et les apprentissages sont secondaires par manque de temps. L’aide pédagogique à l’école élémentaire prend plusieurs formes dont la plus courante est celle dispensée par un enseignant spécialisé.

Notes
94.

Loi 89.486 du 10 juillet 1989 : « Loi d’orientation sur l’éducation ».

95.

Loi 2005.380 du 23 avril 2005 : « Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école ».

96.

CHAUVEAU G., ROGOVAS-CHAUVEAU E. 1995. A l’école des banlieues, Paris, ESF.

97.

CHAUVEAU G., ROGOVAS-CHAUVEAU E. 1995. A l’école des banlieues, Paris, ESF.