« Répondre aux différences particulières des élèves » 104 .
La nécessité de passer au second niveau de la prévention apparaît, lorsque, malgré les modifications d’organisation apportées par le conseil de cycle, l’élève ne parvient pas à surmonter ses difficultés en classe. Il ne s’agit plus de difficultés d’apprentissage mais de difficultés scolaires.
Le second niveau de prévention, à l’école élémentaire, est de la compétence du Réseau d’aides spécialisées 105 . Au sein de ce réseau c’est le maître E qui est chargé des aides à dominantes pédagogiques. Les activités du réseau et de ses différents maîtres suivent les directives de la circulaire 90-082 du 9 avril 1990 : « Mise en place et organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ». Cette circulaire définit clairement les objectifs de l’aide : « les aides à dominantes pédagogiques ont pour objectif d’améliorer la capacité de l’élève à dépasser les difficultés qu’il éprouve dans ses apprentissages scolaires, à maîtriser ses méthodes et ses techniques de travail, à prendre conscience de ses progrès, en suscitant l’expérience de la réussite. Elles impliquent la cohérence entre les caractéristiques psychologiques de l’enfant d’une part, les méthodes mises en œuvre et les finalités de l’enseignement d’autre part ».Nous décrivons les différentes formes que les aides à dominante pédagogique peuvent prendre à l’école en nous appuyant sur les textes officiels et sur les pratiques de terrain.
« A tout moment de sa scolarité obligatoire, lorsqu’il apparaît qu’un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d’un cycle, le directeur d’école […] propose aux parents ou au responsable légal de l’élève de mettre conjointement en place un programme personnalisé de réussite éducative » 106 .
La démarche consiste à se préoccuper de l’élève et à déterminer ce qui fait obstacle pour lui dans la situation scolaire. « Le repérage et l’analyse des éventuelles difficultés permettent de concevoir et d’organiser des interventions nécessaires. Ces interventions prennent effet avant que les difficultés quelques fois mineures ne s’accentuent et ne deviennent durables » 107 .
L’aide spécialisée demande au maître de mettre en œuvre des démarches pédagogiques complexes s’appuyant sur les référents théoriques des sciences cognitives, des neurosciences et tenant compte d’une approche cognitive et psychoaffective des apprentissages. Ces diverses démarches d’approche de l’enfant nécessitent des connaissances spécifiques de la part du maître E, qui justifie ainsi son qualificatif de « spécialisé ». Rejoignant un des points de notre hypothèse de recherche, nous développons plus avant dans notre thèse le fait que des relations jalouses entre maîtres généralistes et maîtres spécialisés trouvent une origine dans cette qualification différente. Les apprentissages sont proposés à l’enfant selon son profil cognitif. L’aide proprement dite est précédée d’une démarche d’investigation déterminant aussi bien la difficulté que la structure psychologique et cognitive de l’enfant.
Si l’on se réfère uniquement à la circulaire 90.082, l’aide à dominante pédagogique peut être dispensée sous deux formes : la classe d’adaptation fermée et le réseau d’aides spécialisées. Nous décrivons les pratiques de terrain qui montrent une plus grande diversité dans les modalités d’intervention.
Observons le texte officiel. Les aides à dominante pédagogique peuvent être organisées :
Le premier dispositif résulte souvent de la fermeture des classes de perfectionnement quand celles-ci ne se sont pas transformées en CLIS 109 , à partir de 1992 110 . Sur le terrain, ces classes accueillent des élèves qui sortent de grande section de maternelle et ne peuvent pas encore suivre un cours préparatoire. Les élèves ayant déjà suivi une année de cours préparatoire et qui ont besoin de renforcer leurs compétences fragiles, sont également inscrits en classe d’adaptation. Le séjour dans ces classes d’adaptation n’excède généralement pas une année, les élèves poursuivent ensuite un cursus scolaire ordinaire ou sont orientés vers une structure adaptée.
On rencontre aussi sur le terrain des classes semi-ouvertes. « Elles accueillent par demi-journée le noyau d’enfants le plus en difficulté dans l’école, et à d’autres moments, des petits groupes d’élèves en provenance des classes ordinaires qu’elles font travailler en soutien spécialisé, pendant que leurs camarades inscrits en adaptation rejoignent ces classes pour des activités communes » 111 .
Le troisième type de structure, de loin le plus répandu, est le regroupement d’adaptation – R.AD. – (encore appelée classe d’adaptation ouverte). Le maître E travaille soit au sein d’un R.A.S.E.D., soit de façon isolée dans un groupe scolaire. Sous cette dernière forme, le maître E doit faire partie du réseau, mais la réalité du terrain montre qu’il en est souvent tout autre. Qu’il soit au sein d’un réseau on non, le maître E en regroupement d’adaptation rassemble des groupes d’élèves pendant environ une heure plusieurs fois par semaine. Dans le meilleur des cas, c’est l’équipe de cycle qui définit les modalités d’intervention, la plupart du temps, c’est le maître E en concertation avec le maître généraliste. Les groupes de besoin sont composés d’élèves ayant le même type de difficultés : inappétence, immaturité, problèmes de logique, de raisonnement. Sont définies les modalités de fonctionnement des groupes afin de perturber le moins possible la vie des classes auxquelles appartiennent les élèves. Ils peuvent ainsi se créer des repères par rapport aux interventions.
Quelle que soit la forme retenue, les modalités de fonctionnement de ces structures sont définies dans le cadre de l’articulation projet d’école/projet de réseau d’aides spécialisées.
Considérant que l’aide scolaire spécialisée dispensée par le maître E au sein d’un R.A.S.E.D. est la forme d’intervention la plus répandue, nous orientons nos écrits et notre recherche vers cette structure.
Le R.A.S.E.D. s’interroge sur les actions à mettre en place pour aider l’enfant à partir de ce qui est déjà fait. Il est « au cœur des préoccupations et tous les partenaires l’aidant, qu’ils soient enseignants ou non, font partie de façon temporaire du R.A.S.E.D. » 112 . Un travail d’équipe basé sur les échanges est recommandé pour mener à bien une action d’aide. On est dans un processus où l’attitude et les résultats de l’enfant au sein de sa classe sont les éléments essentiels de l’évaluation de l’aide.
On détermine de quel intervenant (maître E ou G) relève la difficulté de l’élève, avant d’élaborer un projet d’aide spécialisée. Si le maître E travaille de façon isolée, il décide seul si l’élève a besoin d’une aide spécialisée à dominante pédagogique. Si l’enfant ne relève pas de ce type unique d’aide, il ne peut malheureusement pas bénéficier d’une action de remédiation dans l’école. Un climat de tensions s’installe entre les enseignants, situation que nous développons dans les troisième et quatrième parties de notre recherche.
Lorsqu’il est établi que les difficultés des élèves relèvent du maître E, l’action est de courte durée, de façon à ne pas avoir pour effet d’étiqueter l’enfant. Le maître E intervient pour une aide pédagogique plus intense et plus « spécialisée » que celle engagée par le conseil de cycle. L’objectif premier est de permettre à l’enfant de s’adapter aux exigences de l’institution scolaire et aux programmes tout en favorisant le retour à une situation de réussite scolaire.
Les écrits d’Hervé Guy 113 sur la spécificité des maîtres E, permettent d’entrevoir des différences qui peuvent engendrer des conflits entre les maîtres généralistes et les maîtres E. Nous comparons les pratiques de classes et celles de regroupement d’adaptation. Pour les pratiques des maîtres E, nous nous appuyons aussi bien sur notre pratique que sur la présentation d’Hervé Guy 114 .
Le maître E en regroupement d’adaptation ne se contente pas de « réparer des manques » mais travaille sur la restauration d’une dynamique face aux apprentissages. Il fait en sorte que l’élève les appréhende de façon positive. Pour pouvoir les affronter avec confiance, l’élève exprime les difficultés qu’il ressent. Le maître E, par sa double action d’enseignement et d’observation, au fur et à mesure de l’expression de l’enfant, repère les mécanismes qui ont conduit à l’incompréhension. La démarche du maître E est une articulation entre l’affectif et le cognitif, là est le vrai sens de son action. Il est maintenant facile de dissocier les activités de soutien du niveau un de la prévention des activités de remédiation du niveau deux : les premières vont être pratiquées par l’enseignant dans sa classe et consiste en une répétition de ce qui n’a pas été compris, alors que les secondes s’orientent vers des stratégies privilégiant la relation. C’est l’affectif qui est préféré dans le second dispositif, avec une pratique de l’auto-évaluation (ou évaluation formatrice), celle où l’enfant peut constater lui-même ses acquisitions et le chemin qu’il lui reste à parcourir.
Revenons au tableau précédent. L’objectif des deux maîtres est la réussite scolaire de l’élève. Leurs approches pédagogiques sont spécifiques et complémentaires. Le maître de la classe dispense un enseignement et évalue les progrès ou les échecs de l’élève. Le maître E travaille sur les démarches cognitives à mettre en place pour apprendre. Il fait naître le désir, permet de surmonter les difficultés en valorisant les progrès. Le maître E apprend à l’enfant à devenir élève.
Le maître E n’est pas un maître de soutien, son travail n’est pas de reprendre après l’enseignant généraliste, une leçon mal comprise. Rappelons ici que l’idée essentielle de la loi d’orientation de 1989 stipule « qu’un enfant en difficulté doit continuer de fréquenter sa classe avec ses camarades. La première aide qui lui est apportée, le soutien, niveau un de la prévention, est celle du maître de la classe à qui on demande une pédagogie différenciée » 115 .
Le rôle du maître E est d’aider l’élève à appréhender les connaissances, à trouver des stratégies cognitives efficaces, à retrouver l’envie d’apprendre par une meilleure connaissance des buts et des enjeux de l’apprentissage. De fait, l’intervention d’un maître E est limitée dans le temps ; elle ne dépasse pas en général, une année scolaire. Il apparaît également que l’essentiel de son travail doit se faire avec des petits groupes ne dépassant pas cinq à six élèves dans une « salle » spéciale dont l’aménagement se différencie d’une salle de classe ordinaire.
Circulaire 90.082 du 9 avril 1990 : « Mise en place et organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ».
R.A.S.E.D. ou R.A.S. ou Réseau : Réseau d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté. Le R.A.S.E.D. est constitué d’un psychologue scolaire, d’un ou plusieurs maître (s) « G » chargé (s) de l’aide à dominante rééducative, d’un ou plusieurs maître (s) E chargé (s) de l’aide à dominante pédagogique. Le R.A.S.E.D. est implanté sur plusieurs écoles, toute école peut bénéficier de l’aide du Réseau. Compte tenu du nombre peu important de ces Réseaux, l’Inspecteur de l’Education nationale de la circonscription décide, en concertation avec les praticiens, des priorités d’intervention.
Loi 2005.380 du 23 avril 2005 : « Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école ».
Circulaire 90.082 du 9 avril 1990 : « Mise en place et organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ».
Circulaire 90.082 du 9 avril 1990 : « Mise en place et organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ».
CLIS : Classe d’Intégration Scolaire. Ces classes accueillent des enfants déficients, elles ont leurs spécificités (déficiences intellectuelle, auditive, visuelle, motrice).
Circulaire 91.304 du 18.11.1991: « Scolarisation des enfants handicapés à l’école primaire. Classes d’intégration scolaire (CLIS) ».
GILLIG J.-M. 1998. L’aide aux enfants en difficulté à l’école, Paris, Dunod, p. 97.
GUY H. 1997. Intervenir en Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en difficulté, Paris, Armand Colin, introduction p. XVI.
GUY H. 1997. Intervenir en Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en difficulté, Paris, Armand Colin.
GUY H. 1997. Ibid. p. 5.
Loi 89.082 du 10 juillet 1989 : « Loi d’orientation sur l’éducation ».