Chapitre 5. De l’objet à sa problématisation

5.1. Du questionnement multiple à la question nodale

Le questionnement multiple énoncé en introduction ne permet pas, à lui seul, de donner une orientation à la recherche. Clarifions-le en classant les thèmes qui en émergent et permettent de dégager trois axes. Ceux-ci nous éclairent sur le passage de la difficulté d’apprentissage à l’échec scolaire : les relations entre enseignants, le regard porté sur l’aide spécialisée à l’école, le regard porté sur l’élève et ses différents niveaux de difficulté.

Le premier thème retenu, celui des relations entre enseignants, est complexe dans la mesure où l’on a affaire à deux populations qui travaillent ensemble au service de l’enfant. Ce travail « d’équipe » est difficile de par la différence de statut entre les enseignants généralistes et les enseignants spécialisés, différence que nous exposons plus avant. Nous observons les clivages qui sont à l’origine des dysfonctionnements.

Le second thème est l’aide à dominante pédagogique telle que pratiquée à l’école. Les différences de points de vue amènent les maîtres généralistes et les maîtres E à envisager différemment les activités pédagogiques spécialisées. Pour les uns, il s’agit d’une médiation ; pour les autres, il s’agit de combler un manque.

Le troisième thème concerne les niveaux de difficultés rencontrées par les élèves. Si l’on se réfère aux textes officiels, ils devraient être limités par les multiples formes que prend la prévention à l’école. L’enfant bénéficiant d’une aide à dominante pédagogique n’est pas en échec scolaire, il est en difficulté d’apprentissage. Nous nous interrogeons sur ce que ces difficultés évoquent chez les enseignants et comment, par le jeu des représentations sociales et des différentes images que l’on se fait de l’aide à l’école, cette difficulté peut se transformer en échec scolaire. Les directives ministérielles permettent de garder une orientation sans céder aux exigences de chacun.

Ces trois thèmes qui donnent corps à la recherche nous amènent à une interrogation. Compte tenu des représentations sociales divergentes des maîtres généralistes et des maîtres E concernant l’enfant aidé à l’école, des différences de points de vue sur les interventions pédagogiques de chacun, des représentations sociales et professionnelles que les maîtres généralistes et les maîtres E se font de leurs pratiques respectives, dans quelle mesure l’aide pédagogique spécialisée proposée aux enfants en difficulté d’apprentissage dérive-t-elle de l’objectif visé ? Comment, de passagère, la difficulté d’apprentissage glisse-t-elle vers l’échec scolaire « institutionnalisé » ?