Pour Emile Durkheim 124 , le sujet exprime difficilement ses représentations car elles restent mal définies, il ne ressent que de vagues impressions. Toute personne se représente un objet, mais ces « représentations » sont parfois très sommaires et ne correspondent souvent que de façon très lointaine au réel. C’est la relation que la personne entretient avec l’objet de représentation, l’usage qu’il en fait, qui en conditionnent la définition. C’est lors d’interactions que ces représentations individuelles prennent corps, se structurent, deviennent exprimables et se transforment en représentations collectives en prenant le caractère intemporel, universalisable qui définit un groupe social. L’expérience collective joue un rôle important dans la production d’images qui deviennent fédératives : pour se faire comprendre, on se base sur l’expérience des autres. On se construit ainsi une « culture sociale » et des références.
Les représentations personnelles sont évolutives, elles changent souvent et ne se stabilisent que pour une durée déterminée dans le temps. La représentation individuelle, de par sa souplesse, prépare la personne à structurer et intégrer les représentations sociales communes à un groupe lors d’interactions. Serge Moscovici considère que les représentations individuelles se « modélisent » et passent à un savoir partagé, social. Elles deviennent des représentations collectives propres à un groupe, notamment à un groupe professionnel.
On considère le caractère collectif et social d’une représentation à partir du moment où elle est produite dans un groupe et « de par son extension dans une collectivité » 125 . Pour Serge Moscovici, la structuration d’une représentation dans le domaine social correspond à un besoin et à une demande de la société. Il est nécessaire, à un moment donné de l’évolution d’un groupe, de la société, que le réel subisse une modification. Dictant les conduites, la représentation sociale prend corps.
Enfin, on peut dire que la psychologie sociale distingue la représentation collective de toute autre représentation. Comme elle est générée et activée lors d’interactions, elle fonctionne et évolue lors de ces mêmes interactions, on la qualifie maintenant de « représentation sociale ». Elle est l’aboutissement d’une culture de groupe.
DURKHEIM E. 1967. « Représentations individuelles et représentations collectives », Sociologie et philosophie, Paris, PUF, pp 1-38.
MOSCOVICI S. 1976. La psychanalyse, son image et son public (2° éd.), Paris, PUF, p. 305.