1.3. Les définitions proposées

Tournons-nous vers les chercheurs en psychologie sociale, afin de relever, dans leurs différentes définitions, les points communs.

Pour Claude Flament, « une représentation sociale est un ensemble organisé de cognitions relatives à un objet, partagées par les membres d’une population homogène par rapport à cet objet » 126 . Denise Jodelet affirme que « le concept de représentation sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l’opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. […] Elles apparaissent comme des réalités préformées, des cadres d’interprétation du réel, de repérage pour l’action, des systèmes d’accueil des réalités nouvelles » 127 . « Les représentations sociales sont des modalités de pensée pratique orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l’environnement social, matériel et idéel. En tant que telles, elles présentent des caractères spécifiques au plan de l’organisation des contenus, des opérations mentales et de la logique » 128 . « C’est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité comme à un ensemble social » 129 . Elles sont des « images qui condensent un ensemble de signification, systèmes de références qui nous permettent d’interpréter ce qui nous arrive, voire de donner un sens à l’inattendu ; catégories qui servent à classer les circonstances, les phénomènes, les individus auxquels nous avons affaire. […] Une manière d’interpréter et de penser notre réalité quotidienne, une forme de connaissance sociale » 130 . Pour Jean-Claude Abric, elles sont « le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique » 131 . « Les représentations fonctionnent comme un système d’interprétation de la réalité qui régit les relations des individus à leur environnement physique et social, elle va déterminer leurs comportements ou leurs pratiques. La représentation est un guide pour l’action, elle oriente les actions et les relations sociales. Elle est un système de pré-décodage de la réalité car elle détermine un ensemble d’anticipations et d’attentes » 132 . Serge Moscovici annonce qu’elles sont « envisagée comme un ensemble ordonné d’assertions évaluatives portant sur des points spécifiques, la représentation sociale constitue un univers d’opinions. L’attitude est une des dimensions de cet univers, les deux autres étant l’information et le champ de représentation. L’information – dimension et concept – a trait à l’organisation des connaissances que possède un groupe au sujet d’un objet » 133 . Et également que « par représentations sociales nous désignons un ensemble de concepts, d’énoncés et d’explications qui proviennent de la vie quotidienne. Elles sont l’équivalent, dans notre société, des mythes et des systèmes de croyance des sociétés traditionnelles ; on pourrait même les considérer comme la version contemporaine du sens commun » 134 . D’après Pierre Verges,« elles sont une première appropriation, une production idéologique associée à la pratique. […] Ce travail est constitué d’une gestion de formes de pensée, d’interprétations, remontant à des époques antérieures, étagées par le long terme de l’histoire et actualisées par la culture et la mémoire collective de chaque groupe social » 135 . Pour P. Rateau, elles correspondent à « une forme de connaissance permettant à un individu ou à un groupe de donner un sens à ses conduites, de comprendre la réalité à partir de son propre système de référence et de s’y adapter » 136 . Enfin, terminons par Bernard Schiele et Louise Boucher, qui estiment que « les représentations sont élaborées, à la fois collectivement et individuellement par les acteurs sociaux. Ils nomment, appréhendent et transforment leur environnement, en partie grâce à ce cadre d’accueil. Véritable modalité de connaissance, il permet d’attribuer un sens aux êtres et aux choses. De manière scientifique, le concept de représentation désigne l’organisation personnelle du savoir d’un individu tendant à l’élaboration d’un système explicatif et opératoire mettant en jeu des catégories et des relations particulières pour structurer son expérience personnelle » 137 .

La représentation sociale correspond à la construction d’une forme de pensée à partir d’un objet de représentation. Cette activité cognitive est sociale car trouve sa forme, se construit, évolue et est activée lors d’interactions face à un stimulus social. Le sujet, à partir des codes, des modèles, des croyances et des valeurs de son groupe social, donne du sens à son expérience du monde. Les représentations sociales permettent, selon le groupe qui les utilise, d’interpréter la réalité et d’y adapter un comportement. Cette forme de connaissance est partagée par les membres d’un groupe mais, par sa structure, permet des prises de position individuelles. Ainsi, le contenu et l’organisation de la représentation sociale ont la même importance, elle est un ensemble organisé et cohérent. Elle est constituée de deux types d’éléments ayant chacun leur importance : le noyau central et les éléments périphériques, structure que nous présentons dans le chapitre suivant.

Les représentations permettent d’évaluer le monde, d’en organiser ses différents caractères et autorisent un positionnement, la réalité peut se lire et prendre forme. Pour le sujet qui active des représentations sociales de son groupe, elles constituent un savoir commun et favorisent le développement identitaire de la personne et du groupe.

Notes
126.

FLAMENT C. 1994. « Structure, dynamique et transformation des représentations sociales », in ABRIC J.-C. (dir.), Pratiques sociales et représentations, Paris, PUF, p. 37.

127.

JODELET D. 1998. « Représentations sociales : phénomènes, concept et théorie », in MOSCOVICI S. (dir.), Psychologie sociale (7° éd. mise à jour), Paris, PUF, p. 361-382.

128.

JODELET D. 1998. Ibid.

129.

JODELET D. 1998. « Représentations sociales, un domaine en expansion », in JODELET D. (dir.), Les représentations sociales (5° éd.), Paris, PUF, pp 47-78.

130.

JODELET D. 1998. « Représentation sociale : phénomènes, concept et théorie », in MOSCOVICI S. (dir.), Psychologie sociale (7° éd.), Paris, PUF, pp 361-382.

131.

ABRIC J.-C. 1997. « Méthodologie de recueil des représentations sociales », in ABRIC J.-C. (dir.), Pratiques sociales et représentations (2° éd.), Paris, PUF, pp 59-82.

132.

ABRIC J.-C. 1997. « Les représentations sociales : aspects théoriques », in ABRIC J.-C. (dir.), Pratiques sociales et représentations, Paris, PUF, pp 11-36.

133.

MOSCOVICI S. 1976. La psychanalyse, son image et son public (2°éd.), Paris, PUF, p. 284.

134.

MOSCOVICI S., in FORGAS J.-P. (éd.). 1981. Perspectives on every day understanding, Londres, Academic Press, pp 181-209.

135.

VERGES P. 1997. « Représentations sociales de l’économie : une forme de connaissance », in JODELET D. (dir.), Les représentations sociales (5° éd.), Paris, PUF, pp 407-428.

136.

RATEAU P. 1995. « Le noyau central des représentations sociales comme système hiérarchisé. Une étude sur la représentation du groupe. », Les cahiers internationaux de Psychologie sociale, 26, pp 29-52.

137.

SCHIELE B., BOUCHER L. 1997. « L’exposition scientifique : une manière de représenter la science », in JODELET D. (dir.), Les représentations sociales(5° éd.), Paris, PUF, pp 429-447.