2.2. Le noyau central et les éléments périphériques

La « théorie de la centralité » est attribuée à Jean-Claude Abric 142 , qui, en 1976, est le premier à modéliser la structure en deux types d’éléments de la représentation sociale. Le noyau central est consensuel : il est partagé. Il est constitué d’éléments normatifs et d’éléments fonctionnels. Les cognitions constitutives d’une représentation sociale sont organisées autour de ce noyau dont Jean-Claude Abric 143 dégage trois fonctions.

  • « C’est le noyau central qui donne son sens, qui détermine la valeur de la représentation, il crée et transforme les éléments périphériques, c’est la fonction génératrice.
  • C’est ce même noyau qui structure les liens qui unissent entre eux les éléments de la représentation. Ainsi, il unifie et stabilise la représentation, c’est la fonction organisatrice et structurante.
  • Dans la mesure où il est la base commune, celle qui est partagée par tous : c’est la fonction consensuelle » 144 .

Le noyau central est l’élément fondamental de la représentation sociale qui s’organise autour de lui en assurant sa stabilité. Il détermine son sens ainsi que sa fonctionnalité. Il contient les informations sociales, historiques, sociologiques et idéologiques. Il définit les normes et les valeurs des individus et des groupes dans un système social déterminé. Jean-Claude Abric et EmileTafani 145 montrent la grande valeur sociale du noyau central. C’est le référent des valeurs d’un groupe, il donne le cadre dans lequel production de jugements et évaluation de l’objet considéré sont émis par le sujet quand il est confronté à un objet de représentation. Constitué de plusieurs éléments, le noyau central est activé par le contexte et l’insertion sociale du groupe : il donne un sens aux éléments du champ représentationnel. « Partager la même représentation, c’est donc, pour les membres d’un groupe, partager un ensemble de croyancesorganisées autour d’un noyau commun. En ce sens, le noyau a bien une fonction consensuelle. C’est par lui que se définit l’homogénéité d’un groupe social » 146 .

Le noyau central représente l’unité commune du groupe et organise les autres éléments : les éléments périphériques. Ces derniers permettent une individualisation des croyances et concernent ainsi les attitudes. Le système périphérique, de par sa souplesse (lié aux pratiques et pensées individuelles) autorise une appropriation personnelle de la représentation. Les éléments périphériques lisent le contexte immédiat − ils sont le lien avec le contexte social − et renseignent le noyau central. Contrairement à ce dernier, c’est la flexibilité et l’évolutivité qui les caractérisent. Ils permettent des « modulations individualistes » 147 . Par ces éléments, les différents membres d’un groupe affirment leur individualité alors que le noyau central est garant de l’intégrité des croyances de tous les membres du groupe et en constitue l’homogénéité. Le caractère évolutif des éléments périphériques assure une fonction régulatrice à la représentation sociale en protégeant le noyau central. Ils permettent l’intégration de nouveaux éléments sans pour autant mettre en péril l’ensemble de la représentation. Ils participent ainsi à son économie cognitive.

En terme de comparaison, nous reproduisons ci-après le tableau de Jean-Claude Abric : « caractéristiques du système central et du système périphérique d’une représentation sociale » 148 .

Notes
142.

ABRIC J.C. 1976. Jeux, conflits et représentations sociales, thèse d’Etat, Aix-en-Provence, Université de Provence.

143.

ABRIC J.-C. 1994. « L’organisation interne des représentations sociales : système central et système périphérique », in GUIMELLI Ch. (dir.), Structures et transformations des représentations sociales, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, pp 73-83.

144.

ABRIC J.-C. 1994. Ibid.

145.

ABRIC J.-C., TAFANI E. 1995. « Nature et fonctionnement du noyau central d’une représentation sociale : la représentation de l’entreprise », Les cahiers internationaux de psychologie sociale, 28, pp 22-31.

146.

ABRIC J.-C. 1994. « L’organisation interne des représentations sociales : système central et système périphérique », in GUIMELLI Ch. (dir.), Structures et transformations des représentations sociales, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, pp 73-83.

147.

ABRIC J.-C. 1994. Ibid.

148.

ABRIC J.-C. 1994. Ibid.