2.2. L’éthique des maîtres E

Nous exposons les relations existantes ou idéales qui facilitent ou faciliteraient le travail des maîtres E. Nous affinons ainsi la définition de l’éthique du maître E et ses attentes à l’égard des maîtres généralistes.

Plus de la moitié des maîtres E rencontrés décrit des relations de travail basées sur des échanges autour de l’élève en difficulté. Le maître E prélève des indices qui permettent de dresser un premier diagnostic. Il se renseigne, met en avant sa spécificité. Deux personnes constatent que ce dialogue n’est pas un échange pédagogique d’égal à égal. Cette situation confirme la distance volontaire évoquée lors de la définition du groupe social d’appartenance des maîtres E. Bien que le désir de la forme « deux maîtres pour un élève » soit souvent sous-jacent dans les propos des maîtres E, il apparaît que certains ne facilitent pas sa mise en place, confirmant la marge déjà plusieurs fois rencontrée. L’établissement conjoint du projet d’aide spécialisée et le besoin de renseignements sur l’attitude de l’enfant en classe sont nécessaires. Cependant, très peu de maîtres E avancent le besoin de communiquer sur l’attitude de l’élève lors des séances et sur ses performances. La relation pédagogique est rompue, l’élève a, dans cette situation, deux maîtres qui mènent avec lui des activités peut-être complémentaires, peut-être pas. Une rupture dans le projet d’aide est constatée, les progrès éventuels de l’élève sont remarqués de part et d’autre sans pour autant être confrontés. Nous sommes dans une relation à sens unique, les exigences sont avancées, mais pas les devoirs. La relation est ambiguë et se définit comme une forme de hiérarchie instituée. Certains disent même, de façon implicite, qu’ils sont en mesure de prodiguer des conseils pédagogiques pour un élève mais déplorent que ceux-ci ne soient souvent ni entendus ni appliqués. La notion de compromis semble rejetée. Le jugement du travail du maître généraliste est également évoqué.

Malgré ces remarques sur les échanges entre les maîtres, les relations, même rares, sont jugées comme riches. L’enfant reste majoritairement la préoccupation première des partenaires.

La collaboration est souhaitée par les maîtres E, tant au moment de l’établissement du projet d’aide individualisée que lors du déroulement de la prise en charge. Les maîtres E prélèvent des informations sur l’enfant auprès des maîtres généralistes. Ces échanges sont nécessaires, les relations établies sont, la plupart du temps, jugées comme bonnes. Un compromis entre les attentes des maîtres généralistes et les pratiques des maîtres E est impossible. Les maîtres E se situent à un carrefour entre les directives de la circulaire de référence 182 , leurs pratiques spécifiques et les attentes des maîtres généralistes. La position n’est pas confortable et génère souvent les conflits que nous avons, pour l’instant, que très peu évoqués. Il est difficile de ne pas « céder », notre pratique du terrain nous apprend qu’il est souvent nécessaire de rappeler les objectifs de l’aide pour ne pas s’en éloigner.

Notes
182.

Circulaire 90.082 du 9 avril 1990 : « Mise en place et organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ».