3.4. Des tensions ressenties et exprimées

Les maîtres E

Un peu plus de la moitié des maîtres E interrogés considère sentir une différence de statut entre les deux groupes sociaux. Ces différences engendrent des tensions qui nuisent aux relations et au bon déroulement d’une prise en charge. Ce statut différent est vécu comme un privilège, les maîtres E y trouvent un confort et un avantage certains. Ils ont l’impression que ces facilités font naître une jalousie chez le maître généraliste. Celui-ci travaille sous la contrainte des programmes avec le souci permanent de mener un maximum d’élèves « au bout du programme », alors que le maître E ne travaille que sur un groupe de compétences avec un très petit nombre d’enfants.

Les maîtres E ont l’impression qu’on les rend responsables de l’entière réussite d’un élève et que leur action gomme toutes ses difficultés d’apprentissage de l’enfant aidé. S’ils ont l’impression de porter à bout de bras la réussite des élèves, cela rejoint le fait qu’une collaboration avec le maître généraliste n’est pas mise en place. Une ambiguïté apparaît entre les pensées et les pratiques : le maître E souhaite travailler en équipe, ne met pas en place cette collaboration et déplore être seul responsable du projet d’aide de l’élève. Les conflits peuvent naître quand le maître E ne va faire progresser l’enfant que sur un seul point de ses besoins, le maître généraliste continuant à « subir » la masse des difficultés restantes. Il peut donc – le maître généraliste – douter de l’efficacité de l’aide spécialisée. Quelques maîtres E se sentent responsables de l’installation de différences, le fait de mettre la spécialisation en avant nuit à l’image et met une barrière quant à une collaboration d’égal à égal. On parle alors de hiérarchie dans les compétences, encore soulignée par le fait que les maîtres E regrettent souvent le fait que les conseils prodigués ne soient pas appliqués en classe. Non seulement l’action d’aide a une incidence sur les élèves, mais les maîtres E désirent qu’elle en ait une également sur les adultes.

Résumons les points pouvant générer des conflits et que nous vérifions dans la suite de notre travail. Citons la directivité des maîtres E, leur liberté d’action, l’action limitée à un seul groupe de compétences, le nombre réduit d’élèves, la spécificité professionnelle toujours exposée comme supérieure, sont autant de points qui peuvent irriter les maîtres généralistes. Nous poursuivons l’analyse par ces entrées qui peuvent avoir une répercussion sur l’élève aidé. Le confort dans le travail est mis en avant par la presque totalité des maîtres E interrogés qui ne souhaitent pas faire le même travail que le maître généraliste.