3.4. La difficulté d’apprentissage : diagnostic et traitement

L’analyse des tableaux croisés fait ressortir que les deux populations sont d’accord sur le fait que certaines matières sont représentatives de la difficulté d’apprentissage. Lors de l’établissement d’un diagnostic, le français et les mathématiques sont particulièrement examinés. Des nuances apparaissent cependant chez les maîtres E : pour cette population, ce point est un élément central. En revanche, il n’apparaît pas dans la représentation sociale des maîtres généralistes. Deux autres positions, chez les maîtres généralistes, laissent supposer qu’une hiérarchie dans l’importance des matières est établie :

La différenciation pédagogique se pratique à partir des matières. D’autre part, de par le mode d’évaluation, les maîtres généralistes révèlent les difficultés des élèves en français et mathématiques.

Ces éléments concernant les matières et les pratiques de différenciation et d’évaluation, se rejoignent dans les deux populations. Nous voyons plus loin comment ces points agissent négativement sur l’élève aidé en créant des tensions entre les maîtres généralistes et les maîtres E.

Les maîtres E sectorisent beaucoup leurs activités. Ils ne tiennent compte que de la difficulté scolaire, ne se sentant pas très concernés par d’autres types de problème, comme les difficultés sociales. Les maîtres généralistes portent une attention particulière à l’individu et à la globalité de ses difficultés, il le côtoie toute la journée. Des tensions sont générées par cette situation. Les maîtres généralistes, nous l’avons déjà dit, demandent au maître E de « déborder » de ses fonctions pour accueillir des élèves présentant des difficultés autres que scolaires. Nous savons également que les compromis sont difficiles avec le maître E et que celui-ci ne dépasse pas ses fonctions attribuées. On ne peut pas dire, cette fois, que c’est la solitude, exprimée précédemment, qui est responsable des tensions, mais c’est davantage le fait que les deux catégories de personnes sont face à une incompréhension. Le maître généraliste, polyvalent, n’accepte pas la spécificité du maître E ni sa formation supplémentaire. Contrairement au maître généraliste, le maître E n’a pas d’obligation d’accueil, une forme de jalousie s’installe. L’institution fonctionne de telle façon que le maître généraliste est confronté à des situations qu’il ne peut résoudre seul. Le maître E est en mesure, de par sa formation et de par les types de profil d’élèves qu’il accueille, de résoudre toutes les difficultés des élèves qu’il accepte recevoir.

Le maître généraliste ne perçoit pas toujours l’intérêt du travail du maître E et trouve que l’aide est longue, les résultats positifs ne s’observent pas immédiatement. Dans la représentation, les matières représentatives sont une cause des tensions car l’aide ne correspond pas aux attentes du maître généraliste. L’élève ne trouve pas les repères pédagogiques dont il a besoin. Ces repères sont différemment perçus par le maître généraliste et le maître E. Respectivement, pour les uns, c’est faire acquérir les compétences de la classe d’âge. Pour les autres, c’est donner d’abord à l’élève la possibilité d’acquérir ces compétences en travaillant sur des éléments manquants, sans pour autant pratiquer une accumulation de savoir dépourvus de sens les uns par rapport aux autres.

Les positionnements des maîtres généralistes et des maîtres E s’opposent. Les maîtres généralistes souhaitent qu’une aide soit apportée au niveau d’un point pédagogique précis, sur une compétence instrumentale, voire sur la matière dans sa globalité. Il confie l’ensemble d’une « matière à problème » au maître E. Dans cette situation, il est clair que les matières enseignées sont rendues responsables de la difficulté d’apprentissage et de l’échec scolaire. Après avoir établi un diagnostic, le maître E oriente son action vers les points qui apparaissent faibles chez l’élève. Ainsi, il ne répond pas aux attentes du maître généraliste. Ce point fait partie des générateurs des tensions entre professionnels.

Nous voyons que les représentations des deux populations sont différentes, les pratiques sont différentes, les statuts sont différents, les réponses ne correspondent pas aux demandes. Beaucoup de différences qui entraînent des tensions. Nous savons maintenant que ce sont ces tensions qui ont une incidence négative sur l’élève aidé ou ayant besoin d’une aide.