4.1. L’image de la représentation sociale des maîtres généralistes

Observons l’arbre des similarités de la population des maîtres E. Nous conservons la totalité des variables entrant en jeu sans seulement tenir compte de celles qui apparaissent dans la structure dégagée précédemment. Ceci nous permet de contrôler si des éléments ont échappés à l’analyse antérieure. L’implication statistique entre variables donne une image modifiée, mais définitive, des deux représentations sociales.

L’arbre des similarités des variables de la population des maîtres généralistes.
L’arbre des similarités des variables de la population des maîtres généralistes.

Avant même l’analyse de l’arbre des similarités, l’observation de son image fait apparaître deux grandes classes d’association. Nous en tenons compte dans l’éventuel regroupement d’éléments du noyau central. Les similarités sont analysées jusqu’au niveau vingt-trois de classification (l’arbre en compte vingt-neuf), sentant une perte de cohérence dans les dernières associations. La classe à gauche de l’arbre concerne plus particulièrement les pratiques et le regard porté sur l’élève, alors que la classe de droite est réservée, sans exclusivité, aux tensions entre les maîtres généralistes et les maîtres E. Notons que l’une et l’autre classes s’entrecroisent en gardant une dominante thématique. Peu d’éléments nouveaux apparaissent. L’arbre des similarités, outre le regroupement en deux classes des variables, vient confirmer ce que nous savons déjà quant aux pensées et aux pratiques. Présentons ci-dessous les deux thèmes dominants.

  • Regard porté sur l’élève et pratiques pédagogiques :

Un élément se rajoute à la représentation sociale : l’arbre des similarités fait apparaître le fait qu’à des niveaux très fiables de classification (niveaux trois et quatre) le maître généraliste ne met pas de distance entre lui et les le maître E. Leur pédagogie est considérée comme identique. L’élément du noyau central « les pratiques sont différentes » évolue vers « des pratiques spécifiques » avec deux nouveaux éléments périphériques « les pratiques sont différentes » et « les pratiques sont identiques ». Dans les pratiques, un certain nombre de maîtres généralistes annule les tensions possibles dues aux différences de statut et nous donne un exemple d’enseignement à retenir dans l’évolution souhaitée des conduites (exposée dans le dernier chapitre de notre thèse).

La dimension fataliste de la difficulté scolaire apparaît à plusieurs reprises dans l’analyse de l’arbre des similarités (niveaux de classification quatre et sept). Le paradoxe du fait qu’il existe un profil type d’élève en difficulté d’apprentissage mais que la pédagogie ne soit pas différenciée est confirmé. Il y a donc peu à faire pour des élèves arrivant stigmatisés à l’école, la différenciation pédagogique a peu d’incidence sur eux. De la même façon, si la pédagogie n’est pas différenciée, il n’y a pas lieu de différencier les évaluations. Le niveau un de classification montre que les élèves en difficulté scolaire ne sont pas observés différemment par le maître généraliste. Ce point est confirmé par le niveau neuf qui montre que la difficulté scolaire est ordinaire et qu’elle est du ressort du maître E, confirmant l’idée de fatalisme.

Le maître généraliste n’installe pas de différence entre lui et le maître E, la notion de tension non incidente est maintenant forte. De ce fait, l’élève ne bénéficie pas de regard différent, il y a une cohérence dans les conduites du maître généraliste qui ne différencie ni la pédagogie ni les évaluations, l’élève est considéré comme tous les pairs de sa classe d’âge. L’élément du noyau central « il existe un profil type d’élèves prédisposés » perd l’élément périphérique « les pratiques sont différentes » qui se rattache maintenant à l’élément du noyau central « des pratiques spécifiques ». De la même façon, les élèves étant tous considérés de la même façon, l’élément du noyau central « l’écart à la norme » disparaît puisque deux éléments périphériques concernant l’évaluation dépendent maintenant de l’élément du noyau central « des pratiques spécifiques ».

  • Considération des tensions :

Les tensions peuvent exister mais, quand elles ne sont pas ressenties, elles sont sans incidence sur l’élève aidé. Elles ont une influence sur l’élève quand elles sont observées. Le niveau onze de classification, qui est un niveau tout à fait fiable, fait apparaître, pour la première fois, par l’arbre des similarités, la notion de différenciation professionnelle. La spécificité du maître E n’est pas reconnue.

Dans cette seconde classe, apparaît à nouveau le regard porté sur l’élève. Le maître généraliste, aux niveaux dix-sept et vingt de classification, ne se positionne pas par rapport à une différence entre la difficulté d’apprentissage et l’échec scolaire. Il ne considère pas le maître E comme un enseignant, ne prend en compte que la difficulté d’apprentissage qui nécessite alors un traitement particulier. Le maître généraliste s’interroge sur la façon la plus pertinente d’aider l’élève, le rôle du maître E est ici remis en cause. Nous remarquons une personnalisation de la représentation avec l’apparition de deux nouveaux éléments périphériques « tous les élèves doivent suivre au même rythme » et, « comment aider l’élève en difficulté ».

L’arbre des similarités permet de donner une place définitive aux éléments périphériques de la représentation sociale tout en autorisant les contradictions apparaissant sur l’image définitive. Ces contradictions permettent l’appropriation de la représentation sociale par l’ensemble des membres de la population des maîtres généralistes.

Le graphe implicatif des variables de la population des maîtres généralistes.
Le graphe implicatif des variables de la population des maîtres généralistes.

Le maître généraliste se sent différent du maître E. Cet élément, avancé par le graphe implicatif, est fédérateur dans la représentation sociale. L’arbre des similarités, quant à lui, fait apparaître le fait que le maître généraliste « n’avance » pas de différences, pas qu’il n’en sent pas. Ceci entraîne des signalements d’élèves par rapport à des difficultés globales. La spécificité du maître E, définie par les textes, n’est donc pas reconnue, sa différence, si.

La différence faite entre difficulté scolaire et difficulté globale est confirmée, tout comme l’existence d’un profil type dans les pensées et les conduites du maître généraliste. Cet élément est définitivement installé parmi les éléments centraux de la représentation sociale.

Globalement, le graphe confirme que le maître généraliste signale des élèves en difficulté scolaire. Il reconnaît sa différence au maître E, mais pas forcément sa spécificité, n’entraînant, ainsi, pas de tension. La pédagogie est différenciée en classe, les élèves à besoins spécifiques bénéficient d’un traitement pédagogique particulier sans pour autant revêtir une image sociale différente. C’est quand l’élève bénéficie d’un regard particulier, que les tensions sont incidentes. Elles sont dues, cette fois, à la mise en avant d’une différence statutaire. Quand l’élève est pris en charge pour une difficulté scolaire, sans regard particulier porté sur lui, les tensions sont considérées comme non incidentes.

Le graphe implicatif poursuit le positionnement des éléments constitutifs de la représentation sociale en faisant apparaître son harmonie. Tous les éléments précédemment révélés sont confirmés, l’image de la représentation ne change pas de forme. Comme par l’arbre des similarités, des éléments contradictoires déjà évoqués – « j’ai un regard différent », « je n’ai pas de regard différent » – confirment leur position parmi les éléments périphériques.

L’arbre cohésitif des variables de la population des maîtres généralistes.
L’arbre cohésitif des variables de la population des maîtres généralistes.

L’arbre cohésitif montre la cohérence des conduites dictées par les pensées et confirme la logique et l’harmonie des associations de variables. Notons, à un niveau fiable d’association (niveau quatre) que des tensions peuvent apparaître quand le maître généraliste porte un regard différent sur l’élève aidé. Ce regard différent vient du fait qu’un projet pour l’élève n’est pas défini conjointement. Ce que les maîtres généralistes et E peuvent se reprocher se reporte sur l’élève en raison des tensions générées.

Une seule classe d’importance se détache dans l’arbre cohésitif (les autres classes associent, de façon logique, deux ou trois variables) regroupant les éléments les plus récurrents, donc les plus importants, de la représentation sociale : « l’existence de tensions », « le regard porté sur l’élève », « les pratiques du maître généraliste ». La différence est faite entre la difficulté d’apprentissage et l’échec scolaire mais n’apparaît qu’à un niveau peu fiable de l’arbre cohésitif.

La page suivante présente l’image finale de la représentation sociale des maîtres généralistes. L’implication statistique entre variables permet de finaliser cette image, tous les constituants sont maintenant à leur place.