2 - Entretien du 13/02/2000 - Nathalie

  • Tranche d'âge 30/40 ans
  • Ancienneté : 12 ans
  • Milieu : rural
  • Fonction : adjointe
  • Quand on vous demande quel est votre métier, que répondez-vous ?

Institutrice.

  • Comment avez-vous été amené à faire ce métier ?

C'est une longue histoire. J'ai commencé par une fac de biologie. Mon entourage ayant estimé que ce n'était pas des études sérieuses, on m'a fortement conseillé de faire des études de comptabilité, donc j'ai fait des études de comptabilité et quand j'ai eu mon BTS de comptabilité, je me suis quand même dis que non, c'était pas mon truc, alors j'ai travaillé et ensuite passé le concours de l'EN.

  • En quoi consiste votre travail ?

Je passe.

  • A qui s'adresse votre action ?

Je travaille pour des gamins.

  • Quelle définition pourriez-vous donner de votre métier ?

Personne de sexe masculin ou féminin ayant pour mission de permettre aux enfants de faire certaines acquisitions en français, histoire, géographie, math, et apprendre aux enfants à vivre en groupe. Le côté citoyenneté est important.

  • Qu'est-ce que vous connaissez de mieux que les autres parce que vous êtes instituteur ?

Rien du tout.

  • Quels sont les points communs à tous les instituteurs ?

Le fait de ne pas supporter l'autorité de quelqu'un d'autre, de ne pas supporter d'être contredit, de toujours éplucher les choses quand ils s'adressent à des adultes. D'oublier qu'ils ne sont pas tout le temps instituteurs.

  • Dans quelle catégorie sociale et salariale vous classez-vous?

J'ai jamais réfléchi à cette question.

  • Etes-vous personnel d'exécution ou personneld'encadrement ?

J'aurais plutôt tendance à être personnel d'encadrement. Parce que c'est dans mon caractère.

  • Que pensez-vous de votre salaire ?

Je réfléchis pas vraiment à ce que je gagne, maintenant si il pouvait être un petit peu plus élevé ce serait beaucoup mieux, je pense, ce n'est pas ma préoccupation principale.

  • Pensez-vous être marqué socialement par votre métier ?

Oui. J'habite dans un village et dans un village l'instituteur ou l'institutrice est une des personnes phares du village. C'est une des personnes qu'on regarde, qu'on observe.

  • Pensez-vous véhiculer une image de votre métier en dehors de votre vie professionnelle ?

Non.

  • Pour les gens que vous côtoyez et qui ne sont pas de votre profession, remarquent-ils que vous êtes instituteur ?

Je n'en sais rien.

  • Mettez-vous votre profession en avant ?

Non, pas vraiment, je ne pense pas.

  • Est-ce que c'est quelque chose que vous souhaitez donner à voir ?

Non.

  • Si vous n'aviez pas été instituteur, est-ce qu'il en aurait été de même ?

Oui, ça aurait été pareil.

  • En quoi est-ce que l'on peut reconnaître en vous que vous êtes instituteur ?

A mon côté autoritaire.

  • Etes-vous fier de faire ce métier ?

Fière c'est pas le mot, mais je suis bien dans mon métier.

  • Pouvez-vous citer des éléments gênants pour votre travail ?

Le côté policier du travail, interdire, dire non, il y'a un côté où on est obligé de donner des règles et des limites aux gamins et c'est ce côté-là qui me gêne, il est obligatoire mais il me gêne.

  • Et des éléments facilitant votre travail ?

L'espace, c'est important d'avoir de l'espace. De bonnes relations avec les parents d'élèves, bien expliquer aux parents d'élèves où on va et comment on y va. Avoir des collègues avec qui on peut travailler en collaboration étroite. Ce qui est important pour moi, je suis en fin de cycle, c'est de voir les gamins de la maternelle, d'avoir des rapports avec les gamins de la maternelle et ces cycles avant, de voir un gamin dans sa globalité, dans toute sa scolarité.

  • Le métier comprend-t-il des contraintes ?

Des contraintes de vie dans la mesure où tu habites dans un petit village et que t'es l'instit du village. Après je pense pas, dans une ville tu es anonyme. Des contraintes de vie autrement.

  • Quels sont pour vous les moments les plus formateurs pour votre métier ?

Les moments où tu arrives dans la classe sans avoir rien préparé, tu abordes sans préparation, sans filet une notion importante, et finalement ça passe très bien. Tu te dis que tu n'as pas forcément besoin de tout maîtriser pour pouvoir faire passer quelque chose.

  • Quelles sont les modalités de formation qui vous satisfont ou vous satisferaient ?

Je passe.

  • Peut-on être formé par des gens qui ne sont pas de la profession, pas du tout de l'enseignement ?

Oui, parce qu'on a besoin aussi de je sais pas, de psychologie, de savoir, de dépasser sa profession pour être plus maître de ce que l'on fait en classe. Donc il y a des choses que les instits, les professionnels vont pouvoir nous apporter, mais on a besoin aussi de l'éclairage d'autres personnes.

  • Est-ce que vous pensez que la capacité d'adaptation est un élément caractérisant les membres du groupe instituteur ?

Oui, important. Devrait les caractériser.

  • Avez-vous parfois l'impression que certains de vos collègues font un travail tout à fait différent du votre, et avez-vous parfois l'impression que vous faites un travail tout à fait différent de celui de vos collègues ?

Oui. Notamment dans les activités d'éveil, dans la façon de mener le classe, de mener un projet avec les gamins, j'ai toujours eu l'impression d'être en décalage avec mes collègues. De toujours prendre le problème à l'envers, mais ça c'est dans ma façon de fonctionner.

  • Quelles relations entretenez-vous avec les parents ?

J'essaye de bien leur expliquer où je veux en venir, ma façon de travailler avec les gamins, j'essaye de les déculpabiliser, les parents qui aident leurs gamins, ils se sentent toujours coupables de le faire. J'essaye de les recevoir autant de fois qu'ils ont besoin d'être reçus par moi.

  • Quelle place les parents devraient avoir dans l'école ?

Que l'école devrait être ouverte aux parents, que les parents puissent entrer dans l'école, mais qu'ils connaissent bien les limites, leurs limites de parents, de savoir qu'est-ce qui est du domaine de la pédagogie et de l'enseignant et qu'est-ce qui leur est imparti. Nous on fonctionne avec des parents qui viennent nous encadrer dans les ateliers, et pour l'instant ils ont bien compris ce qu'ils devaient faire et où étaient leurs limites. Mais je pense que c'est important qu'ils soient là, qu'ils voient aussi comment fonctionnent les gamins, qu'ils participent.

  • Une collaboration parents/enseignants est-elle possible ? Souhaitable ?

Je pense qu'elle est souhaitable mais difficile à mettre en place, elle devrait pouvoir se mettre en place mais qu'il faut changer pas mal les mentalités, les mentalités enseignantes et les mentalités des parents, qu'il y a un gros chemin à faire des deux côtés.

  • Pensez-vous avoir une bonne connaissance des programmes actuels ?

Non. Si, c'est pas vrai, j'ai une bonne connaissance des programmes actuels mais de là à dire que je me réfère toujours aux programmes, c'est non.

  • Ces programmes vous conviennent-ils ?

Non. Ce qui me gêne, notamment en français ils sont trop vastes et que finalement on fait apprendre à des gamins de CM2, on essaye de leur faire acquérir des notions en grammaire qu'ils réutilisent jamais au collège, qu'ils vont réutiliser mais en 4°, 3°, et pas avant. Quelle est l'importance de travailler ça ?

  • A votre avis, est-ce que c'est l'école qui génère les difficultés de l'enfant, ou accueille-t-elle des enfants en difficulté ?

Je pense que c'est les deux, l'école accueille des enfants en difficulté, mais qu'elle génère, qu'elle a sa part dans les difficultés de l'enfant. Je pense que l'école elle est là pour la norme, la masse, mais le gamin s'il n'est pas dans cette norme là, que ce soit un gamin brillant ou un gamin en difficulté, l'école ne fait rien, n'a pas les structures appropriées pour l'aider.

  • L'école primaire est-elle en mesure de former de futurs jeunes adultes autonomes et responsables ?

Elle devrait oui, elle est en mesure de le faire, ça dépend tellement de l'enseignant dans sa classe, de façon générale oui. Maintenant si on prend chaque enseignant dans sa classe, c'est pas forcé.

  • Sentez-vous des différences de statut au sein des membres du groupe instituteur ?

Non.

  • Qu'est-ce que la hiérarchie, son rôle ?

C'est rien. La hiérarchie, je sens pas le poids de la hiérarchie quand je suis dans ma classe toute seule, maintenant je n'apprécie pas forcément d'être inspectée, je ne reconnais pas forcément à l'inspecteur les compétences nécessaires pour juger le travail d'un instit… c'est un problème de personne.

  • Sentez-vous des gens au-dessus de vous ?

Non.

  • En dessous de vous ?

Non.

  • Sentez-vous une hiérarchie dans le groupe instituteur ?

Non.

  • Pour vous, qu'est-ce qu'une équipe pédagogique idéale ?

C'est des gens qui sont capables de travailler ensemble sans passer énormément de temps en réunion, qui ont la même façon de sentir le gamin et les mêmes objectifs de vie dans l'école. Après chacun dans sa classe le mène comme il a envie, et des gens qui sont capables d'ouvrir leur classe pour que le collègue aille s'occuper de l'autre classe, qu'il y ait des échanges de service, importants les échanges de service.

  • Souhaiteriez-vous fonctionner ainsi ?

Oui.

  • Est-ce le cas actuellement ?

Oui.

  • Dans le fonctionnement actuel de l'école, êtes-vous favorable ou défavorable au fait que l'enfant ait plusieurs enseignants ?

Je ne sais pas, je n'y ai pas réfléchi. On décloisonne dans certaines matières, pas en math et en français. Oui finalement, on le fait, je suis pour. Je trouve que c'est important que les enfants connaissent les instituteurs de l'école, maintenant que ce soit des personnes qui sont en dehors de l'école qui viennent, non c'est différent. Au sein de l'école moi je trouve ça très bien. Dans les échanges de service il ne faut pas toujours que ce soit toujours pareil, les mêmes matières parce que les gens se spécialisent dans une matière.

  • En gardant un référent ?

Oui, c'est important.

  • Un tel fonctionnement favoriserait-il le travail en équipe ?

Oui.