1.2. Description de la population

Le service présente quatre unités (dont l’une a été fermée, la 2). Chaque unité a une spécialisation informelle et tacite de patients, par-delà l’absence de spécialisation officielle. L’unité 1 accueille plutôt les patients dits chroniques, l’unité 4 les patients dits « les moins difficiles ». L’unité 3, celle dans laquelle j’ai fait mes recherches, se voit donc réserver les patients dits « les plus difficiles », à savoir des patients en épisodes aigus et surtout en rupture de lien, tant avec eux-mêmes que dans le rapport aux autres, à l’institution et à la société. Ce sont, d’une part, des patients présentant des pathologies psychotiques, souvent avec une forte symptomatologie délirante, de l’autre, des patients qui sont dans un rapport conflictuel avec l’institution, dont ils tentent d’éprouver les limites jusqu’à tenter l’exclusion. Il peut s’agir ainsi de personnes souffrant d’addictions, qui manifestent des passages à l’acte violents… Le rôle effectif de l’unité 3 consiste généralement à accueillir les patients dont les autres unités ne veulent pas. La position symbolique semble ici s’apparenter à une position sacrificielle, mais aussi à une fonction de maintien, de lien social et de vocation soignante, dans la mesure où elle permet à tout patient de trouver une place dans un service psychiatrique, et à l’institution de fonctionner sans conflit majeur à ce sujet. En somme, le rôle effectif et symbolique de l’unité 3 semble être de recueillir les exclus non seulement de la société mais de la psychiatrie : misère, violence, addictions (notamment toxicomanie), patients résistants au traitement et délaissés, patients qui requièrent un soin plus intensif…

En ce qui me concerne, j’ai rencontré essentiellement des patients présentant une symptomatologie psychotique. Pour certains patients, avec lesquels l’alliance transférentielle s’était mise en place, j’ai pu les suivre de façon régulière sur plusieurs mois. La durée des entretiens s’échelonnait en moyenne d’une demie-heure à une heure (jamais plus d’une heure), mais il arrivait exceptionnellement qu’elle soit plus courte, en fonction de l’état de fatigue psychique du patient, ou de son état délirant. Généralement, je recontrais rapidement les nouveaux arrivants, et pouvais ainsi les suivre dans la période de délire aigu, puis dans la décrue du délire, jusqu’à la sortie de l’hôpital. Il m’est arrivé de revoir plusieurs fois, après l’hospitalisation, certains patients dits chroniques, qui étaient hospitalisés régulièrement.

J’ai ainsi pu rencontrer une vingtaine de patients, et faire une dizaine de suivis sur plusieurs mois. Parmi ces patients, certains étaient diagnostiqués schizophrènes (dont des schizophrénies dites débutantes), d’autres paraphrènes, d’autre maniaco-dépressifs ou mélancoliques. Mes premières rencontres avaient toujours lieu lors des phases de décompensation, à l’arrivée du patient. Je suivais donc l’évolution du délire, puis la stabilisation et la sortie du patient. Certains revenaient ensuite, sur leur souhait, pour des entretiens cliniques, en accord avec le chef de service.