I.3.2. Psychanalyse

La psychanalyse a toujours beaucoup évoqué le temps, moins comme une problématique en soi, que comme un thème que l’on est obligé de traverser lorsque l’on travaille sur une question précise. Le temps psychique en soi n’a été abordé, comme qu’objet de recherche en tant que tel, que tardivement, d’une part grâce à l’introduction d’une pensée phénoménologique chez des psychanalystes (par exemple, Resnik), de l’autre, grâce aux travaux sur la symbolisation de l’Ecole Lyonnaise (Roussillon, Ciccone, Chouvier…)

D’ordinaire, il est habituel de distinguer un temps logique, ou un temps de mesure, d’un temps vécu. Sans doute, le propre de la psychanalyse est d’articuler ces deux vecteurs au cours de la séance, le temps mesure étant la condition du temps perçu, voire du temps perdu, pour reprendre dans un autre contexte la pensée de Valéry sur l’œuvre de Proust. Le temps perdu n’est pas seulement le temps du passé que l’on ne retouvera plus, mais le temps présent que l’on perd, dans l’ennui, les mondanités… L’analysant accepte de perdre son temps, encadré d’un temps logique, pour mieux retrouver le temps perdu dans le passé par la reviviscence progressive des souvenirs.

De fait, pour la psychanalyse, le temps est une illusion imaginaire ou phénoménologique, et ne traduirait que la spatialité et l’arithmicité de la pulsion : de ce point de vue-là, l’inconscient ignorerait le temps. Et pourtant la notion de temporalité est centrale en psychanalyse, et particulièrement complexe. Penser les processus psychiques implique en outre de penser des déplacements spatiaux au sein des psychismes et de leur interaction, donc de croiser des spatialités différentes avec la question de la temporalité. Cette articulation du temporel et du spatial est présente au sein même de la conception traditionnelle du temps : phénoménologiquement, la temporalité est vue comme un flux composé d’instants qui se succèdent. La conscience est une pure négativité, jamais assez présente aux choses, sauf dans les émotions (affect), et le présent immédiat est néantisé. De plus la topologie du psychisme est à penser en contrepoint de la temporalité du psychisme.

Concernant les différentes théories psychanalytiques sur le temps, nous en présenterons deux qui nous paraissent essentielles, pour la Revue de la littérature, celles de Freud et d’Aulagnier. Quant aux autres travaux, nous les convoquerons au fil de la thèse, losrqu’ils permettent d’éclairer un point d’analyse spécifique.