I.3.3.2. Binswanger

Binswanger a également travaillé sur les questions temporelles en psychopathologie, en se démarquant de la psychanalyse freudienne et de la psychiatrie objectivante. Binswanger s’inspire des philosophies de Heidegger et de Husserl. Il étudie ainsi les modalités du temps, définies par Husserl, dans la psychopathologie. Il montre comment, chez le mélancolique (Mélancolie et Manie, 1960), l’eidos se situe dans une forme défectueuse de l’intentionnalité de l’Ego transcendantal à partir duquel les formes de la retentio, protentio, et de la praesentatio se décalent (cf. III.3.2., infra). Il fait appel à la notion d'apprésentativité (Husserl, 1905) pour marquer la déficience du présent mélancolique. Le temps s'appauvrit comme sappauvrit l'ensemble de l'exister des mélancoliques. Le présent demeure vide et incomplet, d'autant que le passé-ne-passe-pas, est non-dépassé, sédimente dans une lourdeur qui entraîne la temporalisation vers la stagnation. Cette notion d'apprésentativité, fondée sur le jeu des perceptions intersubjectives, d’après Husserl, devrait s'élargir, selon nous, et bénéficier des travaux plus actuels sur le rôle du tissu prépositionnel du discours intérieur et de sa structuration non dialogique ou faiblement dialogique, voire simplement monologique, aspects abordés déjà par Whitehead et Russell dans leurs théorisations sur la communication et exploités par l'Ecole de Palo Alto (Bateson) à propos de la schizophrénie.

L'étude psychopathologique des états maniaques doit beaucoup à Binswanger. Celui-ci a consacré six articles parus de 1931 à 1933 (repris en un ouvrage en 1933) à l'analyse du phénomène fondationnel des manies : la fuite des idées. Binswanger est revenu sur ses études dans une ambition épistémologique (1960). Nous étudierons ultérieurement sa théorie du temps dans la manie (cf. III.3.2.3., infra).