I.4.2.3. L’affect : un objet pivot ?

Par-delà la question du postulat et de la méthode, il semblerait que l’interdisciplinarité entre psychanalyse et phénoménologie exige d’articuler la recherche autour d’un objet commun, celui de l’affect. Concernant la perception du temps, cet objet serait donc la pensée du temps dans son affectivité pour le sujet psychotique. Dès lors, cela introduit la notion de subjectivité, qui s’enrichit de l’approche conjointe entre psychanalyse et phénoménologie. Quand la psychanalyse retrace une histoire de l’affectivité du sujet, et la relie à celle de la représentation, la phénoménologie pense l’actualité de la représentation et de l’affect qui lui est associé, autrement que sur le mode de l’abréaction thérapeutique de la psychanalyse. Le point de convergence est donc la notion d’expérience, bien qu’elle soit entendue de façon différente par l’une et l’autre. Nous proposons alors d’introduire une expérience qui soit une expérience phénoménale existentielle mais qui inclue étrangement une pensée du traumatisme sur le mode de la rencontre (rencontre entre une structure existentielle donnée et un événement qui serait chargé d’une intensité traumatique, laquelle serait pourtant d’incidence inégale en fonction du psychisme rencontré et du moment historique de constitution de l’identité par le sujet). Dans cette perspective, l’expérience dans son actualité pourrait aussi être envisagée dans son historicité comme l’indice de l’état d’appréhension de son identité subjective. Chez le sujet psychotique, l’expérience du temps, conçue comme expérience affective, donne des pistes à l’observateur pour connaître l’actualité de l’état psychique du patient (dissociation, confusion…), mais encore permet d’investir la recherche du côté psychanalytique autour de la construction du sentiment d’identité subjective malgré et par des événements traumatiques.

Si la phénoménologie décèle des intentionnalités affectives, la psychanalyse les traduit comme productions inconscientes d’un sens attribué à cette affectivité, car « au fond de l’inconscient psychique il n’y a pas seulement les représentations inconscientes […], il y a l’affect » (Henry, 2003, p. 181). Dès lors, l’image du corps fait chair chez Merleau-Ponty peut servir d’analogie au psychisme, à un psychisme affectivé dans un ensemble de signifiants (Merleau-Ponty, 1945).

Somme toute, l’intérêt de cette interdisciplinarité entre psychanalyse et phénoménologie qui se constituerait par un postulat commun (l’inconscient), une nouvelle méthode (l’herméneutique de l’affectivité), et un objet pivot (l’affect), réside dans son efficace : pour penser la perception du temps chez les sujets psychotiques, elle permet la réintroduction de l’importance de la vie consciente de l’individu (loin du procès qu’a pu lui faire la psychanalyse), mais également une interrogation sur l’archéologie et la genèse de la psyché dans son affectivité.