II.1. L’analogie du mythe pour penser le temps psychotique

II.1.1. Essai de définition du mythe

Pour définir le mythe, nous pouvons proposer une définition générique extraite d’un livre de Grimal (1951, p. 28), qui sera affinée au cours de cette étude : « On est convenu d’appeler mythe, au sens étroit, un récit se référant à un ordre du monde antérieur à l’ordre actuel et destiné, non pas à expliquer une particularité locale et délimitée, mais une loi organique de la nature des choses ». Le mythe contient donc dans sa définition une valeur explicative, une universalité, tout en se positionnant dans un monde autre (antérieur) donc dans une autre temporalité que celle de l’actualité (« ordre actuel »).

Toutefois, il semble qu’il convienne tout d’abord de bien distinguer le « mythe vécu », du « mythe raconté ». Le mythe vécu a été théorisé notamment par Lévy-Bruhl. Cette conception a été ultérieurement critiquée par Lévi-Strauss et l’approche structurale, qui lui ont préféré la notion de « mythème » : le mythe c’est d’abord un récit, qui se découpe en petites unités que sont les mythèmes. Du moins est-ce ainsi que Lévi-Strauss déploie sa définition du mythe, à travers l’étude des mythes des sociétés amérindiennes.

Ces deux conceptions opposées ont des incidences conceptuelles : Lévy-Bruhl tente de saisir l’universalité du mythe, par-delà les différences entre chaque civilisation, alors que Lévi-Strauss entend comprendre la signification spécifique de tel mythe dans telle société. En somme, pour l’un, les mythes reflètent une forme de psychisme collectif, pour l’autre, il convient nécessairement de les réinsérer dans les altérités par lesquelles les mythes prennent sens. Cette opposition n’est peut-être une opposition de surface, dans la mesure où ces deux approches témoignent de perspectives d’analyse complémentaires plutôt qu’opposées. Boccara (2002, p. 10) indique à cet égard qu’« écrire sur le mythe, ce n’est pas seulement transcrire des récits, c’est d’abord transmettre les vécus qui ont rendu la parole possible ».