III.3.2.2. Le cas Olivier (1)

Olivier est un patient hospitalisé de 27 ans. Ce n’est pas sa première hospitalisation, les précédentes ainsi que la présente ayant toujours été motivées par des errances de type mélancolique, des épisodes catatoniques et des discours incohérents. Il est très discret, a peu de contacts avec l’équipe soignante, est plutôt calme. Il déambule souvent dans les couloirs, le visage fermé, et les gestes au ralenti. Il rit ou parle seul. Il paraît fataliste : selon lui, les êtres humains ne valent pas mieux qu’un chat ou une fourmi. Il fait de nombreux voyages pathologiques, au cours desquels il met sa vie en danger. Cet entretien a lieu au cours de son hospitalisation, au bout de deux mois, à la suite de plusieurs autres entretiens.

Je rencontre Olivier lors de plusieurs entretiens cliniques. Les échanges sont teintés d’angoisse, de pensées existentielles sur la mort, la vieillesse, les rapports de force et l’individualisme humain. Olivier alterne des périodes où il se livre beaucoup avec des moments de cruauté où il tente de m’agresser verbalement. Une fois le lien transférentiel bien instauré, Olivier me donnera accès à ses créations poétiques, et me confiera le devoir de les rendre mémorables dans mon travail de recherche, ce que je conçois sans peine, étant donné la richesse des créations. Il est un patient très coopératif, et accepte volontiers que les entretiens soient enregistrés. De ma thèse, il dit que « c’est une histoire sans fin », car trois ans lui paraissent une éternité. Olivier dit ne pas croire à des rapports d’échange ni au plaisir de vivre. Je propose ici des extraits d’entretiens.