VI.3.2.1. Arts plastiques

Figurer la perte, c’est d’abord la rendre figurée, au sens propre. La réappropriation d’une temporalité propre passe ainsi par une distanciation qui inclut une distanciation spatiale. Le rapport au temps peut être ainsi considéré comme suit : soit je subis le temps (ennui, attente, intrusion : quelqu’un d’autre gère mon temps à ma place…), soit je l’agis (illusion de puissance dans la création, par exemple, dans un geste de type prométhéen).

Nous avons vu comment, aux tout premiers stades de la vie psychique, le temps et l’espace vécus peuvent être confondus, et comment cet aspect se retrouve particulièrement dans la schizophrénie. La discordance et les brisures témoignent d’investissements partiels, d’« instants de temps dépossédés d’eux-mêmes, intensités qui émergent mal, expressions qui s’écroulent éparpillées » (Fernandez-Zoïla, 1976, p. 982).

Dans la schizophrénie, les processus peuvent être « entraînés par des intensités » (Ibid.), et notamment dans une action de figuration artistique. Le passage par des figures spatialisées donc figées peut permettre, une fois l’expérience sécurisée, d’acquérir l’expérience du temps comme flux de conscience. C’est aussi ce qui peut expliquer le recours bénéfique de la figuration dans la thérapie des autistes. Ce que le sujet figure, ce sont des pictogrammes qui n’ont pas été suffisamment appropriés dans le champ de la conscience. En effet, « la médiation picturale peut réactualiser des vécus originaires catastrophiques, tout en permettant leur figuration : il s’agit d’expériences primaires de mort psychique , d’états de souffrance extrême qui n’ont pas été représentés ni symbolisés […] » (Brun, 2004, p. 247-248). Ainsi « le travail de la matière picturale permet d’élaborer le lien à l’objet originaire et de matérialiser ces éprouvés corporels primitifs non symbolisés ». Brun précise le rôle du thérapeute dans l’élaboration figurative : « C’est aussi la relation transférentielle avec la référente qui va faciliter la figuration de ce pictogramme que Aulagnier décrit comme infigurable à l’origine , mais qu’on peut induire à partir de vécus corporels ou d’images qui en portent la trace. La mise en scène par la référente d’un vomi qui tombe sur les pieds et qu’il faut nettoyer reprise et répétée avec jubilation par l’enfant, introduit précisément, à la différence du pictogramme, la possibilité d’une distinction entre le moi et le vomi. Il s’agit désormais d’expulser de soi-même le vomi, sans être confondu ni se ré-pandre avec lui dans une sorte d’écoulement corporels » (Op.cit., p. 255).

La thérapie par figuration artistique peut ainsi concerner le dessin, la peinture, mais aussi la sculpture. Dans tous les cas, il s’agit d’exprimer la représentation spatiale par images et volumes, d’organiser le chaos en figures, et de sécuriser les premières expériences psychiques.