Conclusion

Au cours de cette recherche sur le temps vécu dans la psychose, nous avons tenté de répondre à la problématique suivante : En quoi le délire psychotique peut-il être révélateur d’un temps vécu de la psychose, et lequel ?

Validation/infirmation des hypothèses

S’il l’on reprend les hypothèses formulées en introduction, il apparaît que certaines ont été validées, et d’autres invalidées.

Hypothèse 1  : La structuration temporelle du délire serait révélatrice du fond organisationnel de tout psychisme.

Cette hypothèse a été validée au cours de cette recherche. De fait, le fond organisationnel de tout psychisme est apparenté à un temps que nous avons qualifié de mythique (circulaire, rythmé, sacré ou maudit…), et se retrouve dans l’apprentissage de la rythmicité chez l’enfant.

Hypothèse 2  : Le temps existe dans la psychose .

Cette hypothèse a été validée au cours de la recherche. Tout notre travail a consisté à montrer en quoi, dans la clinique des psychoses, le temps n’est pas figé ni arrêté, ni définitivement glacé, et en quoi le délire psychotique en est le révélateur. Toutefois, ce temps vécu n’est pas ce que nous avons défini comme le temps social (temps des horloges), mais un temps intime, proche du temps anthropologique du mythe. La psychose aurait des difficultés pour accéder au vécu d’un temps social, et c’est ce à quoi le clinicien doit être particulièrement attentif dans la thérapie. Son rôle est de conduire le patient de la temporalité mythique à la temporalité sociale. Pour ce faire, il doit aller trouver le patient dans le temps mythique, fond commun à tous, pour le guider ensuite vers un temps tiers, celui du temps social.

Hypothèse 3  : L’inconscient est atemporel.

Cette hypothèse a été invalidée au cours de notre recherche, dans la mesure où l’inconscient, régi par des processus primaires, nous semble connaître les figures temporelles du temps mythique. L’inconscient ne connaît pas le temps social, qui est celui du système préconscient-conscient. Il connaît en revanche le temps mythique, qui est, d’après nos conclusions, révélateur du délire dans la psychose. C’est pourquoi le délire psychotique est une voie privilégiée d’accès à l’inconscient.

Hypothèse 4  : Il existe un inconscient psychotique

Cette hypothèse a été invalidée. Nous avons vu que la thèse d’un inconscient psychotique implique de raisonner par structure. Si l’on raisonne par processus, il paraît évident que le sujet psychotique est un témoin de l’inconscient. Son délire est une expression de l’inconscient, dont les processus sont communs à tous. C’est aussi ce qui explique que chacun peut être porteur d’un potentiel délirant (ou d’un noyau psychotique), qui se révèle parfois dans des circonstances tragiques de vie, qui ont fragilisé l’équilibre psychique.

Hypothèse 5  : La mise en récit, même dans le délire , témoigne du temps vécu et fonde l’accès à une identité .

Cette hypothèse a été validée. L’organisation temporelle est le vecteur d’une identité pour le sujet. Une fois les fondements de la temporalité sociale acquis, la personne peut s’inscrire dans une linéarité et les événements qui ont eu lieu. Se raconter nécessite de vivre une temporalité sociale (linéaire, notamment), et permet de s’approprier un parcours biographique de vie, garant d’une identité personnelle constituée d’une part, par la permanence, de l’autre, par les variations sur cette permanence. Or ce n’est pas le cas dans la psychose, qui souffre de carences identitaires. Le travail du thérapeute doit consister à aider le patient à constituer un discours biographique sur soi, une autohistoricité.

Hypothèse 6  : Le travail sur le temps vécu offre des perspectives thérapeutiques essentielles.

Cette hypothèse a été validée. Le travail sur le temps vécu en thérapie consiste à intégrer la rythmicité comme cadre thérapeutique, à promouvoir l’anticipation comme projet porteur de vie, à autoriser une autobiographique fondatrice d’identité, et encourager à la créativité, laquelle permet de sortir des fixations temporelles, et de symboliser les vécus figés, notamment l’appréhension existentielle de la mort.