2.1. Les instruments de mesure de l’exposition à l’écrit

Il s’agit de techniques qui permettent de contourner les biais liés à la désirabilité sociale et à la sur-évaluation des pratiques autour de l’écrit, constituant ainsi un indice fiable de mesure de l’exposition à l’écrit (Stanovich & West, 1989 ; Cunningham & Stanovich, 1990 ; Stanovich et al., 1992 ; Fritjers et al., 2000 ; Shatil et al.,. 2000). La méthode d’investigation utilisée se distingue des enquêtes ou entretiens menés auprès des familles et/ou des enfants dont il est délicat de savoir si les réponses proposées reflètent effectivement le comportement des familles ou leurs croyances sur l’importance de la lecture (Sénéchal, 2000). C’est une mesure "directe" d’exposition à l’écrit qui consiste globalement à présenter aux sujets une liste de noms d’auteurs (Author Recognition Test, ART), une liste de titres de livres (Title Recognition Test, TRT) et une liste de titres de magazines (Magazine Recognition Test, MRT) avec l’hypothèse que plus les enfants sont exposés à ces écrits dans le cadre familial et scolaire, meilleures sont les connaissances en ces domaines. Le principe est d’introduire dans ces trois tests, des titres fictifs parmi les titres-cibles, d’observer le rejet des premiers et la reconnaissance des seconds afin de déterminer le niveau de connaissances des écrits environnementaux.

Ces travaux menés auprès d’adultes puis entrepris par la suite avec des enfants anglais et israéliens ont inspiré la construction d’autres épreuves de mesure ou l’adaptation de ces tests à d’autres langues. Sénéchal et al., (1998) ont élaboré deux épreuves de mesure indirecte de l’exposition aux livres d’histoires destinées aux parents d’enfants de GS et de CP, qui sont des versions canadiennes des tests ART et TRT évoqués précédemment. L’objectif est d’évaluer l’exposition écrite des parents, reflet de celle de leurs enfants, avec l’hypothèse que les parents qui lisent souvent des livres à leurs enfants ont une meilleure connaissance des titres et auteurs de livres de jeunesse que ceux qui lisent moins. Les auteurs observent que ces mesures indirectes d’exposition aux livres d’histoires prédisent davantage le niveau de langage oral et écrit des enfants que les traditionnelles enquêtes.

Ecalle et Mercier-Béraud (2002) ont construit un instrument adapté des travaux anglophones à la culture française qu’ils ont administré à des enfants de CP ainsi qu’à leurs parents. A partir des scores des partenaires familiaux, ils ont déterminé des groupes de niveaux contrastés selon le niveau d’exposition à l’écrit avec l’idée qu’une exposition à l’écrit élevée pour l’un des partenaires ne l’est pas nécessairement pour l’autre. Un enfant peut manifester une exposition à l’écrit forte liée à des pratiques de lecture hors contexte familial comme à l’école ou en crèche et des parents peuvent ne consacrer qu’un temps limité à la lecture partagée même si l’écrit leur est familier dans leur quotidien professionnel.

Les auteurs constatent que la présence d’écrits dans l’environnement familial ne garantit pas un niveau d’exposition élevé tant chez les parents que chez les enfants. Outre une mesure d’exposition à l’écrit, l’instrument semble constituer un indicateur des différences individuelles liées aux interactions sociales autour d’écrits divers (littérature, magazines et journaux pour enfants et adultes).