B - La motivation

Selon Ford (1992), la motivation renvoie aux composantes qui dirigent, nourrissent et régulent une activité individuelle tels que les buts, les émotions et les croyances personnelles. Ces composantes règlent le comportement de l’enfant et influence son developing self-system. La motivation affecte la curiosité intrinsèque pour l’apprentissage, par exemple, et détermine les conduites - l’enfant s’inscrit dans les apprentissages ou les évite, se concentre ou non sur l’enseignement de la lecture , persiste ou abandonne face à la difficulté (Chapman & Tunmer, 2003). Les enfants peuvent présenter différents types de motivations pour la lecture. Ils peuvent être motivés parce qu’ils trouvent l’activité en elle-même plaisante, parce qu’ils lui attribuent une certaine valeur, ou encore parce qu’elle offre l’opportunité d’interactions sociales et qu’elle confère aux lecteurs la considération des autres.

La réussite, la curiosité ou encore la compétition participent également à la motivation pour entrer dans l’apprentissage de la langue écrite (Wigfield & Guthrie, 1995). Selon Sulzby et Teale (1991), la motivation inclut l’intérêt et les attitudes face à la lecture, la perception de sa propre efficacité en tant que lecteur et l’appréciation des différentes activités de lecture.

Pour certains auteurs, il apparaît plus judicieux de parler des différents aspects de la motivation plutôt que d’évoquer diverses motivations. C’est pourquoi, des recherches récentes en ce domaine soulignent la multidimensionnalité de la motivation (Baker & Wigfied, 1999 ; Baker & Scher, 2002 ; Watkins & Coffey, 2004) auparavant décrite notamment par Wigfield et Guthrie (1995). Ces derniers ont élaboré un questionnaire, le Motivation for Reading Questionnaire (MRQ, 1997), questionnaire proposé aux enfants en début d’apprentissage de la lecture et destiné à évaluer onze dimensions de la motivation pour lire réparties en trois catégories, taxonomie théorique proposée par Wigfield (1997) :

  • La première de ces catégories regroupe les croyances du sujet sur ses propres compétences et sur son efficacité dans l’apprentissage de la lecture (croire que l’on est capable de réussir à apprendre à lire), le challenge (avoir la volonté de défier et d’assumer les difficultés propres à la lecture pour parvenir à la maîtrise de la langue écrite et en tirer satisfaction) et le désir de s’investir dans des activités de lecture.
  • La deuxième catégorie concerne les objectifs et buts que se fixent les enfants et qui varient selon le type de motivation. Ainsi, cette catégorie comprend plusieurs constructions incluant la motivation intrinsèque (curiosité pour un sujet suscitant de l’intérêt, engagement dans l’acte de lire car source de plaisir et attribution d’une valeur à la lecture) ou extrinsèque (reconnaissance inhérente à la réussite dans la lecture, évaluation favorable du maître et compétition entre élèves), les orientations objectif de réussite (achievement goal orientations) et les valeurs de réussite (achievement values).

Un individu animé d’une motivation intrinsèque se fixera un objectif d’apprentissage et manifestera une tendance à la maîtrise et à l’amélioration personnelle plutôt qu’à la compétition avec ses pairs. Un individu présentant une motivation extrinsèque visera des objectifs de performance ; il s’engagera dans l’apprentissage avec le souci du regard des autres et s’appliquera, s’investira davantage si ses performances en lecture sont évaluées et comparées à celles de ses pairs.

  • La troisième catégorie pointe certains aspects sociaux de la lecture (rencontre autour du livre, échange avec d’autres sur un livre, lire pour partager les observations des autres).

On retrouve cette distinction extrinsèque et intrinsèque dans les modèles théoriques plus récents examinant les processus motivationnels favorisant la réussite dans la lecture (Lepper & Henderlong , 2000 ; Ryan & Deci, 2001 ; Stipek, 2001) généralement décrite comme suit :

  • La motivation intrinsèque implique l’engagement de l’individu dans une activité par intérêt personnel pour l’activité en tant que telle. Pour Csikszentmihalyi (1991), les enfants font preuve de motivation intrinsèque lorsqu’ils s’engagent dans une activité pour eux mêmes et non pour quelque raison externe ; la seule récompense à l’acte de lire est l’activité en elle- même. Csikszentmihalyi (1978) avait décrit auparavant le "flow experience", indice de motivation intrinsèque observé chez le lecteur totalement absorbé par l’activité qu’il en perd toute notion du temps et toute conscience de soi.

La motivation intrinsèque semble se construire sous l’influence de ce qui se passe à la maison. Les milieux familiaux qui présentent la litéracie comme une source de divertissement, de plaisir semblent favoriser l’émergence d’une motivation intrinsèque pour lire (Baker et al., 1995).

  • La motivation extrinsèque quant à elle, renvoie à la participation à une activité basée sur des valeurs et demandes externes (Ryan & Deci, 2000). Le comportement est dicté par une régulation externe contrôlée par des demandes et récompenses sociales. C’est le cas de l’élève qui lit pour éviter une punition ou pour répondre aux attentes de l’enseignant. Son désir de lire est lié à des contraintes extérieures et non pas initié par l’intérêt pour la lecture. L’élève motivé extrinsèquement cherche à atteindre des résultats le valorisant socialement (bon classement, maîtrise des habiletés nécessaires, reconnaissances des autres…).

Salonen, Lehtinen, et Olkinuora (1998) proposent un modèle de la motivation fondé non seulement sur ces aspects antinomiques intrinsèque vs extrinsèque. Les auteurs intègrent deux autres distinctions : maîtrise vs impuissance et tendance à approcher la tâche vs tendance à l’éviter. Ils conceptualisent trois catégories indépendantes de motivation :

  • - Task orientation renvoie à la tendance de l’enfant intrinsèquement motivé à aborder, explorer et maîtriser la tâche d’apprentissage ;
  • - Social dependence orientation réfère à la tendance à essayer d’obtenir aveuglément l’aide et l’approbation du maître ou du pair ainsi qu’à la tendance à faire plaisir à l’enseignant.
  • - Ego-defensive orientation correspond à la tendance à réduire les conflits ou les tensions émotionnelles à travers un comportement d’évitement et à exprimer une émotion négative verbale ou non verbale.

C’est un modèle interactionniste qui rassemble à la fois des conceptualisations de but d’accomplissement (Pintrich, 2003) et des dimensions de motivation spécifiques à la lecture (Wigfield, 1997) dans lesquelles des buts impliqués dans la tâche ou des croyances de compétence, des objectifs de performance ou de réalisation de soi (ego-involved) ainsi que des buts sociaux s’avèrent constituer des facteurs essentiels contribuant à la qualité de la performance scolaire.