2. Un paradigme d’études de l’apprentissage implicite

On doit le terme d’apprentissage implicite à Reber (1967) pour décrire les processus d’acquisition se produisant de manière passive et automatique, étudiés à partir d’un paradigme d’apprentissage de grammaire artificielle (AGL). Ce paradigme est l’une des mesures de l’apprentissage implicite les plus utilisées. Les travaux de Reber visent à explorer les mécanismes d’apprentissage mis en jeu par des sujets face à des situations présentant des régularités.

Dans une tâche standard de grammaire artificielle, les participants étudient d’abord une série de chaînes de quelques consonnes. Chaque chaîne est générée à partir d’une grammaire à états finis qui définit les lettres légales et les transmissions permises entre elles. Les instructions fournies aux sujets ne mentionnent pas l’existence d’une structure sous-jacente gouvernant la génération des chaînes de formation et sont de nature à les décourager d’engager une analyse intentionnelle et explicite du matériel.

A la suite de cette étape initiale de familiarisation, les sujets sont informés de l’existence d’une grammaire engendrant les chaînes de lettres consonantes puis il leur est demandé de catégoriser parmi de nouvelles chaînes, celles qui respectent et celles qui violent les règles de cette grammaire.

Les résultats principaux, issus d’expérimentations à plusieurs reprises répliquées, indiquent des performances à cette tâche de catégorisation supérieures au hasard (65-75 % de réponses correctes) alors que les sujets sont incapables de justifier leurs décisions ou de décrire précisément les règles de grammaire qui gouvernent le matériel expérimental (Reber, 1976 ; Reber & Allen, 1978). L’observation de ce décalage entre performances et commentaires verbaux des sujets conduit Reber à défendre l’idée que l’apprentissage de grammaires artificielles est de nature implicite.

Les deux autres paradigmes "tâche de temps de réaction séquentiel" (SRT) proposé par Nissen & Bullemer (1987) et "tâche de contrôle de systèmes dynamiques" (CSD) deBroadbent (1977) ont donné lieu à de nombreuses recherches construites selon le même principe : dans un premier temps, le sujet est exposé à du matériel comportant des régularités sans qu’il soit informé de leur existence. Dans un second temps, sont testées sa sensibilité et sa prise de conscience aux règles sous-jacentes. Lors de cette dernière phase, les sujets manifestent des performances compatibles avec un apprentissage des règles, alors qu’ils ne semblent pas conscients de ces règles et ne peuvent les verbaliser.