1. Ecriture du prénom et acquisition de la litéracie

Bloodgood (1999) examine le développement de la litéracie d’un groupe d’enfants d’âge préscolaire et de jardin d’enfants à travers les changements de forme, de fonction et de perception du prénom écrit. L’habileté à écrire son prénom ne semble pas refléter seulement un niveau de contrôle moteur et graphique lequel aide l’enfant à produire des lettres reconnaissables. L’observation de l’écriture du prénom permet d’appréhender la compréhension des concepts de base et des fonctions de l’écrit de l’enfant ainsi que le niveau de ses connaissances métacognitives et métalinguistiques.

L’analyse des évaluations et des échantillons d’écriture effectuée dans le cadre de ces recherches indique que la reconnaissance du prénom est corrélée avec l’âge (.86) chez les enfants de trois ans, tandis que la production du prénom corrèle avec la connaissance de l’alphabet (de .55 à .77), la reconnaissance de mot (de .49 à .62), et le concept de mot (.39 à .66) pour les quatre et cinq ans.L’écriture maîtrisée du prénom, en capitales d’imprimerie, révèle un pattern conséquent d’habiletés : contrôle constant de l’alphabet, épellation incluant les consonnes finales et initiales aussi bien que les voyelles contenues dans le prénom, développement de la reconnaissance de mots (trois à plus de 15 mots), un concept de mots proche de la stabilité ainsi qu’une aisance dans la manipulation du phonème consonantique initial. Bien qu’il ne s’agisse que de corrélations, sans causalité établie, l’écriture du prénom semble constituer un indicateur du niveau de connaissances précoces sur le code alphabétique.

Les travaux d’Ecalle (2004) dont l’objectif est d’examiner les liens entre la capacité de 40 enfants francophones de GS (âge moyen de 5,7 ans) à écrire leur prénom, la présence et la connaissance des lettres composant ce prénom, vont dans ce sens. L’étude descriptive des données (AFC) montre que l’écriture correcte du prénom produite en cursive par 65 % des enfants est associée à la connaissance de la valeur phonémique des consonnes alors que l’écriture incorrecte du prénom est liée à la méconnaissance du nom et de la valeur phonémique des voyelles. L’expérience précoce de l’écriture du prénom contribue ainsi à l’élaboration de connaissances des lettres composant celui-ci. Ces résultats modèrent l’idée soutenue par Ferreiro (2000) selon laquelle le tracé correct de mémoire de la suite des lettres formant le prénom ne signifie pas une capacité d’analyse du prénom en tant que marque écrite organisée selon les règles de notre système alphabétique.

L’habileté à produire son prénom et la connaissance de l’alphabet semblent se développer simultanément pour la plupart des enfants. Cependant, certains enfants connaissent davantage l’alphabet, identifient mieux le nom des lettres de leur prénom qu’ils ne sont capables de les écrire, tandis que d’autres produisent leur signature sans pouvoir en nommer les lettres isolées parce qu’ils n’ont pas reçu d’informations sur le nom de ces lettres. Villaume & Wilson (1989), évoquent l’influence particulière de l’entourage (famille, enseignant) et celle de facteurs socioculturels comme explication à ce phénomène. L’exposition à cet écrit singulier lié à un environnement social qui encourage l’exploration du matériel écrit mis à la disposition de l’enfant et qui propose des situations induisant une communication par l’écrit est déterminante.

La plupart des travaux anglophones sur ce thème s’accordent pour reconnaître un rôle substantiel au prénom dans l’acquisition de la langue écrite et attribuer à certaines lettres un statut privilégié comme il en est pour la lettre initiale.