Partie expérimentale

Introduction

Cette partie expérimentale comporte deux études, une longitudinale et une transversale. La première (chapitres 1, 2, 3 et 4), inscrite dans le cadre d’un suivi de 57 enfants de début de GS à fin de CP, est consacrée au développement et au poids de connaissances impliquées dans l’acquisition de la langue écrite. La seconde (chapitre 5) s’intéresse à l’impact de la connaissance du nom des lettres sur les relations oral-écrit traitées par 74 jeunes enfants scolarisés en MS. Il s’agit d’examiner tout d’abord (chapitre 1) l’évolution des connaissances explicites et implicites des lettres en mesurant à trois reprises la connaissance de la comptine alphabétique de leur nom et de leur valeur phonémique. Les lettres sont proposées dans les répertoires d’écriture généralement rencontrés dans l’environnement écrit de l’enfant : capitales d’imprimerie et lettres scriptes. L’idée est de suivre le développement de ces connaissances sur les lettres engagé indépendamment de tout enseignement explicite, d’en observer la dynamique d’évolution de la GS au CP et d’étudier l’impact de certaines caractéristiques des lettres sur ce développement. Les lettres présentent des configurations graphiques proches (P, p) ou au contraire éloignées (D, d) dans les deux répertoires introduits, qui devraient déterminer leur niveau de connaissance. A l’appui des éléments théoriques relatifs à l’apprentissage implicite, la fréquence graphonémique des lettres devrait également générer des différences selon la lettre. Par ailleurs, nous avons évoqué les conclusions de travaux anglophones (McBride-Chang, 1999 ; Treiman & Broderick, 1998 ; Treiman, Weatherston, & Berch, 1994 ; Treiman, Tincoff, Rodriguez, Mouzaki & Francis, 1998) et d’une recherche en milieu francophone (Ecalle, 2004) qui décrivent une influence de la structure phonologique du nom des lettres dans la connaissance implicite de la valeur phonémique correspondante. Nous examinons si cet effet de la configuration phonologique du nom sur les connaissances des correspondances lettre-son se reproduit. La connaissance du nom des lettres est généralement décrite comme antérieure à celle de la valeur phonémique. Si tel est le cas, nous préciserons son influence sur l’acquisition de cette dernière.

L’introduction de facteurs conatifs et socio-cognitifs et l’étude de leur influence sur les connaissances alphabétiques et autres habiletés impliquées dans l’apprentissage de la lecture devraient permettre une meilleure compréhension des différences interindividuelles. Lorsque l’enfant développe et utilise des connaissances, il se livre à une activité pour laquelle l’intérêt plus ou moins marqué qu’il lui porte, est susceptible d’orienter ses conduites et ses performances. C’est pourquoi, nous constituons deux groupes d’enfants répartis selon leur intérêt pour la lecture (intérêt + vs intérêt -) dont nous mesurons l’impact sur l’acquisition des connaissances alphabétiques et lexicales, sur le développement de la sensibilité aux régularités orthographiques, des habiletés phonologiques et sur les compétences en production et en identification de mots (chapitre 2).

L’effet du contexte éducatif sur le développement des processus cognitifs et des connaissances est reconnu. S’agissant de l’apprentissage de la langue écrite, il est fort probable que le degré d’exposition à l’écrit participe aux différences interindividuelles observées dans certaines acquisitions de litéracie (chapitre 3). Par exemple, les enfants fortement exposés à l’écrit peuvent élaborer implicitement une sensibilité aux unités orthographiques composant les mots écrits ou se constituer un bagage lexical plus enrichi que ceux dont l’expérience avec les livres est restreinte. Afin de comparer l’influence respective de l’intérêt pour la lecture et de l’environnement écrit, nous étudions l’effet de l’exposition à l’écrit familiale sur les mêmes composantes en distinguant également deux groupes (exposition + vs exposition -).

Enfin, la part de la contribution des connaissances alphabétiques ainsi que celle de la maîtrise linguistique des aspects épiphonologiques et métaphonologiques du langage orale sont examinées dans la réussite de tâches de lecture et d’écriture (chapitre 4). A l’aide d’analyses de régression, nous décrivons les relations prédictives entre ces habiletés préscolaires et les capacités de lecture à haute voix, d’orthographe lexicale et de reconnaissance de mots évaluées en fin de CP. L’épreuve d’identification de mots réalisée en CE2 par 49 sujets de cette cohorte permettra une meilleure appréhension de la dimension prédictrice des connaissances alphabétiques et phonologiques.

La seconde étude (chapitre 5) est consacrée à l’influence de la connaissance du nom des lettres dans le traitement des relations oral-écrit avant l’apprentissage formel de la lecture, auprès de jeunes enfants scolarisés en MS. Il s’agit de montrer que la connaissance du nom des lettres facilite la segmentation orale de pseudo-mots le comportant. Plus encore, cette connaissance devrait permettre le stockage d’unités phonologiques plus ou moins discrètes que l’enfant mobilise dans la production et la lecture d’items bisyllabiques. L’entraînement explicite du nom de la lettre pourrait favoriser l’exploitation des indices phonologiques correspondant au nom de la lettre et à un degré moindre permettre d’en dériver la valeur phonémique. Les liens entretenus par la connaissance du nom des lettres et les habiletés phonologiques ainsi que l’intervention de ces dernières dans le traitement des tâches d’écriture et de lecture sont également examinés.

En annexe 1, figure le calendrier des mesures effectuées et des épreuves proposées à l’ensemble des sujets qui ont participé à l’étude longitudinale ainsi qu’à l’étude transversale.

Les résultats obtenus à la suite de ces deux études nous donnent une indication sur l’état des connaissances des lettres développées par des enfants d’âge préscolaire. L’étude de leur influence sur l’apprentissage de la langue écrite évaluée à partir de tâches diverses de lecture et d’écriture nous permet d’appréhender le rôle et de préciser le statut des acquisitions alphabétiques précoces développées dans la litéracie émergente.