Hypothèses

Le développement des connaissances alphabétiques devrait se manifester d’une session à l’autre, par un nombre croissant de lettres connues, observable tant dans la récitation de l’alphabet, qu’au niveau de la connaissance du nom et de la valeur phonémique. Le calcul des coefficients de corrélation devraient indiquer des liaisons davantage marquées entre connaissance du nom des lettres et comptine alphabétique qu’entre cette dernière et connaissance de la valeur phonémique.

Le décalage dans le développement de la connaissance du nom et de la connaissance de la valeur phonémique des lettres auquel nous nous attendons devrait se maintenir aux cours des trois sessions avec cependant un fléchissement en début de CP, lié à l’apprentissage formel de la lecture amorcé.

Outre ce décalage en faveur du nom de la lettre, nous pensons observer une influence sensible de la connaissance du nom des lettres sur le développement de la connaissance de la valeur phonémique. Les analyses de régression nous permettront d’établir la force des liens entre ces deux connaissances alphabétiques d’une session à l’autre et de dégager l’aspect prédictif attendu de la connaissance du nom des lettres sur la connaissance de la valeur phonémique.

Ce poids sur l’apprentissage de la valeur phonémique devrait également s’exprimer dans la mise en place des correspondances graphophonémiques comme le suggèrent les travaux anglophones. Les similarités observées dans les deux alphabets français et anglais notamment les relations entretenues entre le nom et le phonème des consonnes soutiennent notre hypothèse. Nous pensons observer un effet de la position du "son" dans le nom de la lettre à l’avantage des consonnes comportant le phonème en attaque de la syllabe que constitue leur nom. Le nom des lettres de type CV plus facile à segmenter devrait favoriser l’extraction du phonème (/be/)→/b/) contrairement au nom de type VC plus complexe à analyser (/εm/)/m/).

Le niveau de connaissance plus élevé pour la première catégorie de consonnes respectant le principe acrophonique, dans la tâche portant sur la valeur phonémique et uniquement dans cette tâche, pourrait constituer un argument en faveur de l’intervention du nom des lettres dans l’apprentissage des correspondances lettre-son.

Le contact de plus en plus soutenu avec l’écrit et le début de l’enseignement de la lecture contribue au développement de la connaissance du "son" de toutes les lettres. Aussi, l’influence des caractéristiques phonologiques du nom des lettres sur la connaissance de la valeur phonémique devrait s’estomper progressivement et donner lieu à un écart moindre en CP entre les performances obtenues pour les deux types de consonnes.

Nous nous attendons à observer, en GS, une connaissance des lettres s’exprimant davantage dans le répertoire capitales d’imprimerie due à l’expérience soutenue de ce type d’écriture en lecture comme en production graphique. Cette hypothèse repose sur le fait que l’apprentissage du tracé des minuscules d’imprimerie n’est généralement pas proposé à l’enfant de maternelle 8  ; l’écriture scripte étant réservée à la lecture. De plus, le jeune enfant maîtrise de façon aléatoire l’orientation des lettres scriptes notamment les lettres symétriques (b, p, q, d). Si la différence d’orientation est bien perçue, il ignore encore qu’elle est pertinente (Bastien-Toniazzo, 1997 ; Foureaux, 1988 ; Magnan, 1995) : l’objet que constitue la lettre est toujours le même quelle que soit sa position spatiale. C’est avec l’apprentissage formel de la lecture et la rencontre accrue de l’écriture scripte que les connaissances construites dans le répertoire capitales d’imprimerie seront redéfinies dans le répertoire propre aux livres et que l’acquisition de la pertinence de l’orientation des lettres devient possible.

Cette redéfinition de connaissances ou ce transfert de connaissances d’un répertoire à un autre doit être facilitée par la proximité graphique plus ou moins prononcée d’une même lettre dans les deux répertoires. Nous formulons l’hypothèse de performances supérieures pour les lettres présentant une configuration similaire dans les deux répertoires.

Nous nous attendons également à observer un effet de la fréquence graphonémique sur le niveau de connaissance d’un échantillon de consonnes à l’avantage des lettres de fréquence élevée, reflet d’une sensibilité aux régularités alphabétiques et signe d’un apprentissage implicite amorcé dès la maternelle et se poursuivant en CP.

Enfin, le classement des lettres défini à partir des scores obtenus pour chacune d’elles devrait permettre une vue d’ensemble du développement de leur connaissance. Nous stipulons l’hypothèse d’une similarité des lettres ainsi ordonnées d’une session à l’autre. L’influence de caractéristiques propres de certaines lettres devrait se révéler sur l’apprentissage de leur nom, de leur valeur phonémique et sur les correspondances lettre-phonème dont nous examinons le niveau de connaissance en début de CP.

Notes
8.

Programmes ministériels de l’école maternelle, 2002.