3. Etude descriptive de l’ensemble des lettres de l’alphabet

Afin d’évaluer le niveau des connaissances alphabétiques et d’examiner leur évolution au cours des trois sessions, nous avons introduit plusieurs facteurs intrinsèques aux lettres. Les lettres ont ainsi été catégorisées selon leur fréquence graphonémique, leur proximité graphique entre les deux répertoires d’écriture et la structure phonologique de leur nom. En déterminant le choix des lettres, la combinaison des facteurs introduits a donc écarté certaines lettres de notre étude ou intégré certaines dont les caractéristiques individuelles sont susceptibles d’anomalies dans les résultats attendus. Nous examinons les performances recueillies pour l’ensemble des lettres dans les deux tâches et dressons un tableau de l’état des connaissances des correspondances graphèmes-phonèmes en début de CP. Nous observons également la répartition des sujets selon le nombre de lettres connues en session 3 (cf. tableau 1.12 bis). A partir des données exprimées en pourcentages d’enfants qui proposent des réponses correctes dans les deux tâches TN et TP, répertoires confondus (cf. tableau 1.10), nous effectuons un classement des 26 lettres de l’alphabet.

Les lettres sont rangées par ordre décroissant en fonction du taux de réussite enregistré pour chacune d’elles, aux trois sessions N1, N2, N3 (cf. tableau 1.11).

Une première lecture du tableau 1.11 révèle que globalement, l’ordre des lettres établi en fonction du taux de réussite ne varie que très peu d’une session à l’autre. Ce constat parait dans l’ensemble valable pour la connaissance du nom et la connaissance de la valeur phonémique des lettres. Les voyelles ainsi que les lettres s et z sont en tête de classement et maintiennent cette position privilégiée au cours des trois sessions.

La simplicité de la graphie associée à la proximité graphique notée dans les deux répertoires d’écriture pourrait expliquer la position de o et le rang des consonnes z et s. Ces lettres symbolisent par ailleurs les sons émis par des bourdonnements (zzzzz) ou sifflement (sssss) dont la transcription écrite sous cette forme se rencontre fréquemment dans la littérature de jeunesse.

Le rang de z, dernière lettre de l’alphabet et celui des lettres b et d présentes en début de la comptine alphabétique ne confortent pas l’hypothèse avancée par McBride-Chang (1999) selon laquelle les premières lettres de l’alphabet seraient davantage connues que les dernières ; hypothèse à rapprocher des travaux de Treiman, Kessler & Bourassa (2001) qui décrivent un recours aux premières lettres de l’alphabet dans l’orthographe de jeunes enfants.

On note par ailleurs, que la fréquence graphonémique ne semble pas affecter la connaissance de certaines lettres contrairement aux observations issues de l’étude précédente de l’effet de cette variable. Ainsi que pour la lettre z de faible fréquence graphonémique (19), le niveau de connaissance de w (fréquence = 1) s’avère globalement supérieur à d’autres lettres de fréquence cependant plus élevée (e.g. t, fréquence = 998) et son nom davantage connu que celui de r dont la fréquence graphonémique est cependant la plus forte (2153).

Tableau 1.11 : lettres rangées par ordre décroissant en fonction des taux de réussite dans les deux tâches TN et TP, relevés au cours des trois sessions N1, N2 et N3.

Note : les lettres de scores similaires figurent dans une même case

Le tableau 1.12 indique le nombre de correspondances acquises par catégories ou associations selon que le nom et/ou la valeur phonémique de chacune des lettres est/sont connu(s). Nous distinguons les associations suivantes :

L’analyse descriptive porte sur les données relevées en début de CP, session qui recueuille les performances les plus élevées ; les répertoires d’écriture sont confondus.

Les données ainsi catégorisées permettent de distinguer les lettres pour lesquelles les correspondances graphèmes-phonèmes sont les mieux réalisées. Les enfants apprennent plus facilement les correspondances entre lettres et phonèmes lorsque leur relation est transparente. C’est le cas des voyelles simples a, e, i, o, u où nom et valeur phonémique se confondent. Pour ces lettres, nous notons un faible écart entre les associations 0-1 et 1-0. Pour les consonnes, l’écart s’avère davantage marqué avec toujours un avantage pour les associations 0-1 pour lesquelles, le nom est seul connu.

Le statut particulier des lettres s et z s’expriment ici dans l’établissement des liens lettre-son (respectivement 66 et 35), scores les plus élevés enregistrés pour les consonnes. L’effet de facilitation ne semble pas dépendre de la structure phonologique du nom de la lettre mais plutôt des facteurs évoqués ci-dessus. La lettre s est la consonne qui comptabilise le moins d’association 0-0.

Les lettres b, d, q, comptent parmi celles qui recueillent les scores les plus faibles. La difficulté à discriminer les lettres symétriques tracées dans le répertoire script est sans doute à avancer (tableau des pourcentages de réponses correctes en fonction du répertoire, cf. annexe 5) de même que la proximité phonologique de b et p. Il est probable que la confusion entre ces lettres profite à p laquelle bénéficie de l’effet de similarité graphique dans les deux répertoires d’écriture. La maîtrise aléatoire de l’orientation pourrait être évoquée également comme explication à la faiblesse des correspondances lettre-son de la lettre n pour laquelle nous relevons des confusions avec u et m dans les propositions des enfants. Enfin, l’absence ou la non transparence des relations entre nom et phonème semble affecter l’apprentissage des correspondances graphème-phonème des consonnes h, g, w, x etde la voyelle y.

Tableau 1.12 : nombre de type d’associations "connaissance du nom-connaissance de la valeur phonémique" (max. 114), pour chacune des 26 lettres, répertoires confondus, en CP.

Afin de mieux appréhender l’état des connaissances acquises en début de CP, nous avons par ailleurs classé les sujets en fonction du nombre de lettres connues (de 0 à 26). En annexe 5 bis, figure un tableau indiquant le nombre d’enfants capables de nommer de 0 à 26 lettres et d’identifier la valeur phonémique de 0 à 26 lettres. Le tableau ci-dessous indique le pourcentage d’enfants connaissant le nom et la valeur phonémique, par tranche de nombre de lettres connues.

Tableau 1.12 bis : pourcentages d’enfants connaissant le nom et la valeur phonémique des lettres, en session trois, par tranche de nombre de lettres connues.
Nombre de lettres connues Nom de la lettre Valeur phonémique de la lettre
de 0 à 9 38.6 70.2
de 10 à 19 31.6 28.1
de 20 à 26 30 1.7